Ben Aicha est une fiction historique qui relate l’épopée de Abdellah Ben Aïcha, célèbre corsaire salétin du XVIIe siècle, qui a entamé à partir de la ville de Salé, une "aventure qui l'a mené en Islande, dans laquelle il a remporté des butins et des victoires absolument considérables", a souligné l'auteur.
En prison, durant sa captivité par les Britanniques, qui a duré trois années, Ben Aïcha a réussi à parfaire son anglais, et à parachever ses connaissances des mœurs occidentales. Après son retour au Maroc, le Sultan Moulay Ismail, ayant entendu parler de ce grand amiral, décide de le nommer ambassadeur à Versailles, pour traiter avec le roi Louis XIV de la question des "prisonniers chrétiens" retenus dans les geôles marocaines.
C'est ainsi que lors d'une somptueuse réception organisée en son honneur dans le château de Versailles, que Ben Aïcha rencontre Marie-Anne de Bourbon, princesse de Conti, et fille du roi Louis XIV, avec laquelle il entretiendra une liaison.
A travers cette relation amoureuse, que l'écrivain agrémente de détails suffisamment précis pour établir une "certaine vraisemblance", Kébir Mustapha Ammi tente d'inverser les rôles, et indique que "jusqu'à présent, dans les romans, ce sont les Européens qui viennent voir comment on vit chez nous. (...) Là, c'est Ben Aïcha, un Marocain, Arabe et Musulman qui va découvrir comment vivent les Européens".
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Cette première inversion, qui est à la base du désir de Kébir Mustapha Ammi d’écrire ce roman, est confortée par sa volonté de porter un regard différent sur les frontières tant géographiques, que religieuses, culturelles et sociales, en racontant à travers une histoire d'amour "des choses qui {lui} semblent essentielles, comme le respect de la différence, le respect de l'autre, le respect des religions, et de poser des questions quant à la possibilité de vivre tous ensemble en bonne intelligence", affirme-t-il.
En réponse aux critiques qui lui ont été adressées, l’écrivain a insisté sur le fait que son œuvre n’était ni un traité d'histoire, ni une biographie, ni un roman de cape et d’épée, mais seulement un roman qui met au premier plan une histoire d'amour cohérente avec une problématique: "ma religion, la religion de l'amour".
L’écrivain Driss Ksikes, qui a présenté cet ouvrage à l’assistance, a quant à lui estimé que ce roman, "écrit avec une très grande élégance", se saisissait d'un instant de l’histoire pour réinventer le rapport entre le Nord et le Sud, le rapport entre homme et femme dans les relations d'amour, ainsi que les questions liées à l’exercice du pouvoir et celles de la colonisation.
Après avoir noté qu'il y avait suffisamment d’éléments instillés dans cette œuvre de manière à faire en sorte de faire monter le désir du lecteur jusqu'au moment de la rencontre entre l’ambassadeur et la princesse de France, Driss Ksikes a estimé que "la relation d'amour dans le roman {n’était} qu'un prétexte pour évoquer le déni de l'étranger, le rejet de l'autre et les rituels en place dans une société de cour".
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"Dans ce roman, on voit toute la documentation derrière, mais on n’en ressent pas l'effort, parce que c’est une belle œuvre et une belle écriture", a-t-il conclu.`Né à Taza en 1952, Kébir Mustapha Ammi a effectué ses études supérieures aux Etats-Unis et en Angleterre, puis est devenu professeur d'anglais.
Aujourd'hui essayiste, dramaturge et romancier, il vit en France depuis plus d'une trentaine d'années, mais confie être resté fortement attaché à sa ville natale, dans laquelle il se rend régulièrement pour s'y ressourcer et y puiser son inspiration.