Les artistes marocains des Pays-Bas viennent de perdre dans des conditions tragiques l'une des leurs, qui a su démontrer par ses écrits toute son influence. L'écrivaine Naima El Bezaz, née le 3 mars 1974 à Meknès, Marocaine résidente aux Pays-Bas depuis ses quatre ans, s'est suicidée le vendredi 7 août dernier. Elle s'est défenestrée depuis l'appartement où vivent ses parents, au sixième étage d'un immeuble de la petite ville hollandaise d'Alphen-sur-le-Rhin, située entre les villes de Leyde et d'Utrecht.
Au lendemain de sa mort, sur les réseaux sociaux, plusieurs internautes ont expliqué son geste définitif par la longue dépression dont elle souffrait depuis des années. Une maladie qui aurait été causée par les harcèlements dont elle a fait les frais, à cause de ses écrits, de la part d'extrémistes issus de sa communauté.
Le journaliste néerlandais Mohammed Bouzia le confirme. Interrogé par Le 360, il affirme que "ses écrits audacieux sur le sexe et la religion en Hollande étaient très mal vus par certains membres de sa communauté, et elle a, à plusieurs reprises, reçu des menaces de mort. Naima était malmenée et incomprise".
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Les lecteurs assidus des ouvrages de Naima El Bezaz, qui était mère de deux filles, étaient surtout des Marocaines.
"Elle était très lue et ses lecteurs sont essentiellement des femmes de la communauté marocaine aux Pays-Bas", explique Mohamed Bouzia.
Son premier roman, La Route du nord, fut publié en 1995, alors qu'elle n'avait que 21 ans. Naima El Bezaz y raconte l’histoire d’une Marocaine qui aspire à une vie meilleure en Europe, et avait remporté, pour ce premier ouvrage, le prix Jenny Smelik-IBBY, un an plus tard.
S'ensuivront d'autres romans, tout aussi percutants, comme Maîtresse du diable (2002), ou encore Le Paria (2006). L'année suivante, en 2007, elle publie Le Syndrome du bonheur ou elle raconte la lutte acharnée qu'elle mène contre la dépression.
Si Naima El Bezaz a fini par abandonner son combat contre la dépression, elle n'avait en revanche jamais abandonné sa bataille contre les tabous sous toutes leurs formes, dans le pays qui l'avait accueillie, et dans lequel elle s'était forgée une grande réputation.
Sa renommée, elle la doit entre autres à l'un de ses livres, Vinex Woman (2010), du nom de son quartier de résidence, Vinexwijk, dans la ville de Zandaam.
Paru pour la première fois voici dix ans, ce roman est une analyse impitoyable de la sexualité, telle qu'elle est vécue dans ce quartier. Ce roman, le troisième de Naima El Bezaz, avait énormément dérangé une certaine bien-pensance, car il évoquait sans fards la double culture et son corollaire, les problèmes identitaires, ainsi qu'une impossible intégration, sans compter un certain racisme dont souffrent de nombreux membres de sa communauté.
En 2013, elle avait publié son dernier ouvrage, Au service du diable, et avait été invitée par le Conseil supérieur de la communauté marocaine à l'étranger (CCME) à participer à l'évènement "Marocaines d'ici et d'ailleurs". Ceux qui avaient eu le plaisir de la rencontrer à cette époque se souviennent d'une écrivaine à la fois talentueuse et torturée.