Entre grands succès et fort potentiel, les industries culturelles marocaines attirent l’attention. Ces dernières années, le secteur, ne serait-ce que pour le cinéma, a brillé par des productions qui ont non seulement conquis les écrans locaux et mondiaux, mais ont également remporté des prix dans des festivals prestigieux. Toutefois, malgré ces triomphes, un défi de taille demeure: l’accès au financement.
La présidente de la Fédération des industries culturelles et créatives (FICC), Neila Tazi, confirme ce constat. Pour elle, le secteur continue de se heurter à des obstacles financiers considérables. Historiquement, il a largement dépendu du financement public, mais aujourd’hui, «il est impératif de diversifier les sources de financement et d’encourager le secteur privé à investir massivement dans ces productions», a-t-elle plaidé en marge d’une journée d’étude sur le financement de la culture, organisée le 25 janvier au siège de la Confédération générale des entreprises du Maroc (CGEM), à Casablanca.
Tout en reconnaissant l’importance du financement public, la présidente de la FICC a souligné qu’il ne suffit pas à lui seul pour réaliser pleinement les ambitions du secteur culturel, appelant ainsi à une approche globale pour répondre aux besoins des créateurs. «La culture représente ce que nous partageons en tant que société, ce que nous avons en commun. Il est essentiel d’aborder la question de l’émergence de ce secteur dans sa globalité, en prenant en compte tous ses aspects, et de développer des outils adaptés pour répondre aux besoins des entrepreneurs culturels, des créateurs et des experts du domaine. Nous constatons qu’il existe déjà des mécanismes mis en place pour soutenir les start-up, mais cela s’accompagne également d’une prise de risques», a-t-elle affirmé.
Pour Neila Tazi, il est impératif de trouver des solutions de financement pouvant instaurer la confiance des banques et des fonds d’amorçage à l’égard des projets culturels. Cela implique la fourniture de garanties de la part de l’État et la création de mécanismes visant à faciliter la collaboration entre le secteur privé et les professionnels de la culture. Cette approche globale vise à créer un environnement propice à la diversité et à la réussite des projets culturels. «L’implication accrue des entreprises dans le financement des industries créatives est cruciale pour le Maroc. Au-delà de l’aspect financier, c’est un investissement dans l’identité culturelle et le rayonnement international du pays.»
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Le directeur général de Tamwilcom, Hicham Zanati Serghini, a observé, quant à lui, une hausse significative des demandes de financement dans le secteur des industries culturelles créatives. Celui-ci a fait savoir que «Tamwilcom, dans le cadre de sa coopération étroite avec le secteur financier, apporte des réponses significatives à cette problématique». Et cette démarche ne date pas d’aujourd’hui: «Il y a plus de 20 ans, cette institution financière a été pionnière en lançant un produit spécialement dédié aux industries culturelles et créatives, en proposant un système de garantie adapté à leurs besoins», a-t-il rappelé.
Des garanties pouvant atteindre jusqu’à 70%
Actuellement, dans le cadre de son offre globale, Tamwilcom continue à soutenir activement le secteur des industries culturelles en collaborant étroitement avec ses partenaires du secteur financier dans l’objectif de simplifier le processus de financement, a poursuivi Hicham Zanati, avant de détailler les produits proposés par son institution. Pour les petits projets, où le besoin de financement est inférieur à 1 million de dirhams, des solutions telles que Damane Express offrent un confort au secteur bancaire en garantissant jusqu’à 70% du montant du crédit. Également, pour les entreprises nouvellement créées ou ayant moins de cinq ans d’existence, Intelaka propose un soutien financier avec des taux d’intérêt avantageux.
Enfin, quant aux projets nécessitant un financement plus important, Damane Istitmar garantit jusqu’à 60% du montant du crédit, voire 70% pour les entreprises en phase de création. Mais le rôle de Tamwilcom ne se limite pas au financement: «Nous travaillons en amont avec les acteurs du secteur pour développer leurs projets, élaborer des business plans solides et présenter leurs perspectives de rendement aux investisseurs», a précisé Hicham Zanati.
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De leur côté, les professionnels du secteur ont mis en avant l’importance de soutenir le développement des projets culturels, tout en soulignant les difficultés d’accès au financement privé et en mettant en avant le besoin d’encourager les partenariats public-privé et de créer un environnement favorable à l’émergence d’entreprises culturelles et créatives.
Ces opérateurs ont également signalé que les projets culturels et créatifs sont généralement perçus comme plus risqués par les investisseurs privés en raison de leur nature artistique et de l’incertitude entourant leur succès. Les rendements sur investissement peuvent ainsi être moins prévisibles que dans d’autres secteurs.
Toujours d’après eux, «les actifs tangibles, tels que les biens immobiliers, peuvent servir de garanties pour les prêts. Cependant, dans le domaine culturel et créatif, ces actifs sont souvent immatériels, ce qui rend difficile la fourniture de garanties aux prêteurs. De plus, les projets culturels, comme la création d’un film ou d’une œuvre d’art, peuvent avoir un cycle de développement prolongé avant de générer des revenus. Cela peut décourager les investisseurs à court terme.»
Ce qu’il faudra faire
Pour surmonter ces obstacles, il est crucial de développer des mécanismes de financement spécifiques au secteur culturel et créatif, de sensibiliser les investisseurs potentiels aux opportunités qu’il offre et de promouvoir les avantages économiques et culturels de l’investissement dans ce domaine. La collaboration entre le secteur public et privé peut également jouer un rôle clé dans la facilitation de l’accès au financement pour ce secteur important, ont plaidé les professionnels.