Le 29 janvier dernier, la ministre algérienne de la Culture et des Arts, Soraya Mouloudji, recevait à Alger Éric Falt, représentant et directeur de l’Unesco pour le Maghreb, et profitait de l’occasion pour annoncer la prochaine inscription auprès de l’organisation onusienne, en 2024, outre celle du haïk et de la musique malouf, du zellige et du melhoun dits «algériens».
Mais la ministre algérienne a surtout péché par son ignorance des procédures de travail multilatérales et du fonctionnement même de l’Unesco. Et semble ignorer qu’il n’est pas possible de proclamer la paternité d’un art dont on ne possède pas le savoir-faire.
Côté procédure, si inscription à l’Unesco il devait y avoir, comme le prétend la ministre, cela s’avérerait impossible au titre de l’année 2024, car le Comité intergouvernemental pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel, qui se réunit une fois par an, accepte l’inscription d’un élément par pays une fois tous les deux ans. Or, l’Algérie a déjà prévu d’inscrire en 2024 l’un de ses costumes traditionnels.
Une erreur de timing et un rétropédalage
Mais qu’à cela ne tienne, l’Algérie n’en est pas à une incohérence près. C’est donc sans surprise que Soraya Mouloudji a enfoncé le clou en annonçant, le jeudi 18 avril, que son département présentera au cours du mois d’avril le dossier «Art de l’ornementation architecturale en zellige: connaissances et compétences», pour son inscription au nom de l’Algérie sur la liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’humanité auprès de l’Unesco.
Une annonce faite en grande pompe à Béjaïa, à l’occasion de l’ouverture du Mois du patrimoine, qui se déroule du 18 avril au 18 mai, sans qu’aucune date ne soit pour autant avancée. La ministre, un peu mieux renseignée cette fois-ci, précise ainsi qu’«en mars 2023, un dossier a été déposé pour la classification de la tenue traditionnelle de l’Est algérien, outre le dossier arabe commun relatif au henné, qui se sera examiné en décembre 2024». Autrement dit, l’inscription du zellige par l’Algérie à l’Unesco n’est pas pour tout de suite… et ne le sera en fait jamais.
La controverse sur zellige: beaucoup de bruit pour rien
Car quand bien même Soraya Mouloudji argue que «dix dossiers ont été préparés cette année pour inscription au cours des prochaines années sur la liste du patrimoine de l’Humanité auprès de l’Unesco», le fait est que l’inscription du zellige par le Maroc auprès de l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI), en 2015, ne permet pas à l’Algérie de prétendre disposer de ce patrimoine.
La propriété intellectuelle dont dispose le Maroc sur le zellige est en effet un argument de taille que l’Unesco ne saurait ignorer. Sans compter que, comme l’expliquent les experts, la tradition du zellige est toujours perpétuée au Maroc depuis plusieurs siècles, chose qui n’est pas le cas en Algérie. Les quelques vestiges de zellige que compte encore Tlemcen, une ville qui a fait partie du Maroc pendant plusieurs siècles, ont été restaurés par des artisans marocains, l’Algérie ne disposant ni des matériaux pour fabriquer le zellige, ni du savoir-faire, ni des artisans. Le seul «zellige» dont peut en fait se targuer l’Algérie est un carreau de céramique imprimé aux motifs de zellige… D’ailleurs, il est risible d’observer, dans les différents salons à l’étranger auxquels participe l’Algérie, que le régime impose systématiquement une ornementation avec des motifs qui évoquent l’art qu’il veut spolier, mais sans jamais pouvoir produire ne serait-ce qu’un mètre carré de vrai zellige.
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Au ministère marocain de la Culture, on considère ces gesticulations comme «une sorte de propagande, un show politique de plus que mène l’Algérie», déclare une source du ministère pour Le360. «Le zellige est marocain, c’est un fait historique», poursuit-on, rappelant que l’enregistrement par le Maroc du zellige à l’OMPI «ne permet à aucun autre État de revendiquer sa propriété».
En un mot comme en mille, l’agitation du régime algérien au sujet du zellige est vaine. En effet, «le comité intergouvernemental de l’Unesco est composé d’experts qui n’ont rien à voir avec la politique. Ils ne pourront jamais gagner cette bataille», confirme cette source pour Le360, sans compter que le ministère de la Culture et la délégation permanente du Maroc auprès de l’Unesco surveillent avec vigilance les dossiers relatifs au patrimoine immatériel du Royaume.
Prochaine étape pour le Maroc, l’inscription du caftan au patrimoine immatériel de l’Unesco, prévue pour 2025. Ensuite, il faudra attendre un délai de deux ans pour pouvoir inscrire un prochain dossier, notamment celui du zellige. D’ici là, Mehdi Bensaïd, ministre de la Culture, travaille à la préservation de cet art séculaire, notamment via une rencontre prévue la semaine prochaine à Genève, en Suisse, avec le directeur général de l’OMPI, portant sur la protection du patrimoine marocain à travers cet organisme international, apprend Le360 de source informée.
Pour rappel, le Maroc a récemment offert une magnifique fontaine à l’Union africaine, installée au siège de l’institution panafricaine à Addis-Abeba, en Éthiopie. Véritable manifeste de l’artisanat marocain, notamment en matière de zellige, elle témoigne d’un savoir-faire impossible à imiter. Les gérontes du régime d’Alger pourront toujours orner leurs tombes avec des carreaux en pseudo-zellige, seule consolation à leur portée.