Parmi les centaines d’édifices réalisés par Patrice de Mazières et son complice de toujours, Abdeslam Faraoui, figurent de nombreux bâtiments que l’on côtoie tous les jours au quotidien.
C’est ainsi le cas du Centre de tri postal à Casablanca, construit en 1979, véritable chef-d’œuvre du brutalisme.
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... Ou encore le marché de gros, édifié entre 1979 et 1981 dans le quartier de Sidi Othmane à Casablanca.
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A Rabat, ville de naissance et de cœur de Patrice de Mazières, on doit au duo d’architectes, entre autres réalisations, la sublime faculté de médecine, édifiée en 1962.
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«Sa trajectoire inspirée du courant Brutaliste issu du mouvement Moderne, définit les axes d’une pratique architecturale qui reste ouverte sur les autres disciplines et notamment sur celle des Beaux-Arts», témoigne l’architecte Saâd Benkirane, ami de longue date de Patrice de Mazières.
«En opposition aux courants architecturaux antérieurs et plus particulièrement au style Beaux-Arts, ses réalisations se distinguent par des formes simples et des structures apparentes en rythme, mettant en valeur le caractère brut du béton associé à des matériaux locaux tels la pierre, la terre et les zelliges», analyse Saâd Benkirane, qui se souvient par ailleurs avoir «eu à entreprendre en commun la restructuration du Mall Central de Hay Riad à Rabat, Patrice traitant la séquence Mahaj Riad et moi-même celle du Centre d’affaires». Le dernier projet de Patrice de Mazières.
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L’appel du sud et des intégrations
Dans le sud du Maroc, Patrice de Mazières s’est également investi et a ainsi fait partie des architectes qui ont participé à la reconstruction de la ville d’Agadir, suite au tremblement de terre qui ravagera la ville en 1960.
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«Avec son associé Abdessalam Faraoui, Patrice de Mazières faisait partie de cette génération d’architectes qui a participé à la construction du Maroc indépendant», se souvient Saâd Benkirane.
A Marrakech, de Mazières et Faraoui sont, cette fois-ci, à l’origine de l’hôtel Almoravides, édifié entre 1970 et 1980, dont on doit les sublimes portes en cuivre à l’artiste Farid Belkahia, le panneau mural en céramique à Mohamed Melehi et l'enseigne de cet établissement hôtelier à Mohamed Chabâa.
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Le caractère transdisciplinaire des projets de Faraoui et de Patrice de Mazières va s’exprimer de manière encore plus marquée lors de l’édification de deux autres hôtels, «les Gorges du Dades» à Boulemane-Dadès, et «les Roses du Dades» à Kelaât M’gouna.
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De l’avis de Rachid Andaloussi, l’hôtel «les Gorges du Dades» est incontestablement la réalisation la plus remarquable de Patrice de Mazières.
«Les toits en terrasse dont l’inspiration est puisée dans les petits villages en pisé accrochés dans les montagnes, la forme pyramidale…» énumère l’architecte marocain, pour lequel cet hôtel symbolise l’avant-gardisme mais aussi l’amour que portait Patrice de Mazières pour le Maroc, ce pays qui l’a tant inspiré.
Ces deux hôtels sont pour ainsi dire le symbole des «intégrations», qui témoignent d’un éclatement des disciplines et des catégories, avec pour objectif de trouver une langue esthétique commune. En l’occurrence, un véritable dialogue s’est opéré dans ces deux hôtels entre l’architecture du duo Faraoui-de Mazières et le travail très graphique des artistes peintres Mohamed Melehi et Mohamed Chabâa, chantres de l’école de Casablanca, qui ont réalisé dans ces deux hôtels des panneaux muraux en bois et en céramique.
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«Un des travaux les plus emblématiques de cette série est le plafond mural de Melehi dans un des salons de l’hôtel. Le large plafond est composé de panneaux en bois qui jouent sur une variation de motifs ondulées et colorés. Le jeu combinatoire des motifs crée une surface picturale à la composition rigoureuse rappelant la rencontre américaine de Melehi avec l’abstraction géométrique. Cette composition est pensée dans une alternance de deux panneaux à dominante rouge ou bleu qui sont reproduits en série, convoquant l’objectivité de la peinture américaine des années 60. Cependant, les ondes colorées caractéristiques de l’œuvre de Melehi sont également abordées dans les écrits de l’époque sous un prisme autobiographique, s’appuyant sur la situation de sa ville natale Asilah, bordée par l’Océan atlantique, et historique, se rapprochant de certains symboles préhistoriques sahariens ainsi que de l’art populaire vernaculaire», explique à ce sujet le site Bauhaus.
«En référence à l’Ecole du Bauhaus, il a toujours su réserver une place prépondérante dans ses réalisations aux arts contemporains, y intégrant peinture, sculpture, céramique…Faisant appel à la participation d’artistes tels que Mohamed Melehi, Mohamed Chabâa , Farid Belkahia et tant d’autres encore», explique Saâd Benkirane.
A ce sujet, Mohamed Chabâa a créé pour les hôtels «Les Roses du Dadès» et «Les Gorges du Dadès» une série de plafonniers ainsi que les enseignes des établissements.
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«Ce jeu de lignes géométriques rappelle également les expérimentations de l’atelier d’arts graphiques qu’il dirige à l’Ecole des Beaux-Arts de Casablanca, notamment autour de la typographie Koufi dont il propose une nouvelle approche stylistique. Ce renouveau de la typographie caractérise également le travail graphique réalisé pour les enseignes des hôtels qui reprennent un style calligraphique koufique. Le travail typographique de Chabâa rejoint les revendications des artistes de la hurufiyyâ (lettrisme), ce mouvement d’artistes se basent sur une pratique de l’abstraction s’ancrant dans un héritage islamique mais regroupe en réalité des pratiques extrêmement diversifiées utilisant l’alphabet arabe comme une des composantes d’un nouveau langage complexe et métissé», analyse le site Bauhaus.
Enfin, autre édifice, malheureusement à l’abandon aujourd’hui, témoigne de cette belle collaboration entre de Mazières, Faraoui et Mohamed Chabaâ, l’hôtel de Taliouine, édifié dès 1971, où trône un sublime plafonnier en bois réalisé par Mohamed Chabâa.
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«Patrice de Mazières a tiré sa révérence, laissant derrière lui une œuvre impressionnante faite de réalisations marquantes représentant 60 ans d’architecture au Maroc qui font aujourd’hui partie de notre patrimoine national», conclut avec émotion Saâd Benkirane.