Le rideau est tombé sur l’un des plus grands noms de la scène artistique marocaine. Abdelkader Moutaa, acteur au charisme discret et à la voix profonde, s’est éteint à l’âge de 85 ans, en ce début d’après-midi du mardi 21 octobre, à Casablanca. Il laisse derrière lui une œuvre habitée par la sincérité, la passion et l’engagement.
Né en 1940 à Casablanca, dans le quartier populaire de Derb Sultan, Abdelkader Moutaa grandit dans un environnement modeste. Orphelin de père dès son plus jeune âge, il quitte l’école pour subvenir aux besoins de sa famille, enchaînant les petits métiers — menuisier, réparateur de vélos ou encore ouvrier dans une saline. C’est au sein des activités de scoutisme qu’il découvre le théâtre, une révélation qui changera le cours de sa vie.
Sa première pièce, «Al-Sahafa Al-Mouzaouara», marque le début d’un parcours artistique hors du commun. Malgré les obstacles, il persévère, porté par une foi inébranlable dans l’art.
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Abdelkader Moutaa s’impose rapidement comme une figure incontournable du théâtre marocain avant de briller sur le grand écran. Il joue dans des films cultes tels que «Wechma» (1970) de Hamid Bennani — considéré comme l’un des chefs-d’œuvre du cinéma marocain — «El Chergui ou le silence violent» (1975) de Moumen Smihi, ou encore «Les bandits» (2004) de Saïd Naciri.
Son jeu, à la fois sobre et intense, séduit par sa justesse. Il incarne des personnages complexes, souvent tiraillés entre tradition et modernité, toujours porteurs d’une humanité profonde.
Mais le rôle qui le propulse véritablement sur le devant de la scène reste celui de Tahar Belferiat, personnage culte pour son charisme rustique, son langage populaire et sa manière de représenter le Maroc profond, avec ses contradictions, ses sagesses et ses absurdités.
Durant les dernières années de sa vie, Abdelkader Moutaa souffrait de cécité, une perte progressive de la vue qui l’a profondément affecté. Cette condition l’a conduit à se retirer de la scène publique et à réduire considérablement ses apparitions médiatiques et culturelles.
Ce retrait discret, loin des projecteurs, était à l’image de sa personnalité: digne, pudique et profondément humaine. Son silence n’était pas un oubli, mais une forme de présence silencieuse.
La disparition d’Abdelkader Moutaa a provoqué une vive émotion dans le monde artistique marocain. Il restera une figure respectée, à la fois pour son talent d’acteur et pour son engagement en faveur d’un art authentique et exigeant. Il incarne, à lui seul, une génération d’artistes qui ont posé les fondations du théâtre et du cinéma marocains modernes.








