L’artiste peintre Mohamed Melehi est décédé

Mohamed Melehi (1936 - 2020). 

Mohamed Melehi (1936 - 2020).  . adil gadrouz

L’artiste plasticien Mohamed Melehi est décédé à l’âge de 84 ans, ce mercredi 28 octobre, à Paris suite à sa contamination par le Covid-19, apprend Le360 auprès de sa famille. Admis en réanimation à l'hôpital Ambroise Paré, l’artiste marocain n’a pas survécu à son infection par le coronavirus.

Le 28/10/2020 à 18h09

C’est une bien triste nouvelle pour le monde de l’art au Maroc, et bien au-delà. L’artiste plasticien Mohamed Melehi est décédé à l’âge de 84 ans, ce mercredi 28 octobre, à Paris, suite à sa contamination par le Covid-19, apprend Le360 auprès de sa famille. Admis en réanimation à l'hôpital Ambroise Paré, l’artiste marocain n’a pas survécu à son infection par le coronavirus.

Mohamed Melehi s’était rendu à Paris, en vue de se faire opérer, suite à une fracture de la cheville, qui avait été soignée, mais sans résorber complètement la douleur ni venir à bout d’un gonflement du pied.

Mohamed Melehi occupe une place à part dans les arts plastiques au Maroc, en Afrique, dans le monde arabe, et bien au-delà. C’est l’une des grandes figures de la modernité esthétique des pays non-occidentaux de l’après-guerre. Homme de dialogue et de débat, il a toujours su apporter des réponses à la fois intelligentes et enrichissantes aux polémiques. Il a toujours invité au débat qui produit du sens.

L’une des anecdotes qui permettent le mieux de comprendre la démarche artistique et l’état d’esprit qui prédominait à son approche des choses a eu pour théâtre la galerie nationale Bab Rouah à Rabat. C’était en 1965. Melehi, fraîchement rentré des Etats-Unis, occupe par une exposition personnelle l’espace de la galerie Bab Rouah.

La modernité de ses œuvres avait fait réagir certains journalistes, qui l’avaient accusé de réaliser des tableaux inféodés à l’Occident et sans ancrage dans la culture marocaine. Avec cette subtilité qui lui est familière, Melehi avait réagi à ces acerbes critiques en accrochant un tapis berbère à côté de ses peintures. Ce tapis n'avait pas fait tache à la galerie Bab Rouah. Il ne jurait pas avec les autres peintures exposées. Bien au contraire, il était difficile de ne pas admettre la parfaite identité entre des tableaux, supposés être importés de l’Occident, et ce tapis, enraciné dans les traditions marocaines.

Mohamed Melehi a vécu et travaillé à New York de 1962 à 1996. Il y développe un style personnel, fondé sur une abstraction géométrique, très ouverte sur la figuration, et qui s’inspire de formes faisant partie de l’environnement immédiat de l’artiste, comme la ligne sinueuse qui évoque une vague. L’artiste est né en 1936 à Assilah, une ville océanique. La mer revêt en effet une importance déterminante dans le monde de représentations de l’artiste.

Aux Etats-Unis, Melehi enseigne aussi les arts plastiques à l’institut des arts de Minneapolis. Il peint une grande fresque dans la cafétéria de cet institut. Que l’on se représente un peu le coup de force: un jeune artiste peintre marocain réalise une œuvre dans un espace très fréquenté de l’une des plus prestigieuses écoles d’art aux Etats-Unis.

En 1964, Melehi rentre au Maroc et intègre l’école des Beaux-Arts de Casablanca, que dirigeait alors Farid Belkahia. Il y enseigne plusieurs disciplines: la peinture, la sculpture, le collage, la photographie et le graphisme. Melehi fait entrer dans cette école sa compagne de l’époque, l’historienne de l’art Toni Maraini, ainsi que l’anthropologue Bert Flint, grand collectionneur de tapis marocains. Avec l’artiste peintre Mohamed Chabâa, féru d’intégration d’œuvres d’art dans les architectures et faisant grand cas de l’enseignement dispensé dans l’école du Bauhaus, le quatuor forme une ossature qui donnera une réalité à l’école des Beaux-Arts de Casablanca.

En 1969, il prend part avec ses compagnons Farid Belkahia, Mohamed Chabâa, Romain Ataallah, Mustapha Hafid et Mohamed Hamidi à l’exposition-manifeste «Présence plastique» à la place Jemaâ El Fna à Marrakech. Cette exposition en plein air revêt une importance considérable et marque un moment important dans l’histoire des arts plastiques au Maroc. Accusés de faire un art élitiste que le peuple ne comprend pas, les six artistes ont exposé leurs œuvres dans la place la plus populaire au Maroc. C’est sans doute la première manifestation d’art contemporain au Maroc.

Et ce n’est pas tout. Melehi, c’est aussi les peintures murales qui ornent les maisons d’Asilah et qui ont contribué à la renommée du Moussem, une manifestation artistique et intellectuelle que l’artiste a cofondée avec son autre compagnon de route, Mohamed Benaissa. Melehi, c’est aussi un grand nom de la sculpture et une puissance créatrice de plus en plus remarquée et saluée dans le monde. Pour s’en rendre compte, il suffit de dire que son exposition «New Waves: Mohamed Melehi and the Casablanca Art School», organisée sous la férule du commissaire Morad Montazami, en 2019 à Londres, a été classée par la presse anglaise parmi le top 10 des expositions à visiter absolument, dans une ville où l’offre artistique est l’une des plus foisonnantes au monde.

Le départ brutal de Mohamed Melehi laisse la scène artistique marocaine orpheline de l’une de ses plus grandes figures. Dans notre rédaction, chez Le360, Mohamed Melehi compte des amis qui sont inconsolables de sa perte et qui compatissent à la douleur de son épouse, Khadija, et celle de ses enfants, tout en leur présentant leurs condoléances. 

Par Aziz Bada
Le 28/10/2020 à 18h09