Karim Marrakchi: «Everything is changing», l’art en perpétuel mouvement

Karim Marrakchi, architecte, plasticien. (A.Ettahiry/Le360)

Le 22/09/2025 à 10h04

VidéoArchitecte, artiste peintre et photographe, Karim Marrakchi explore sans cesse les frontières entre les arts. Avec son processus créatif baptisé Everything is changing, il mêle photographie, peinture, lumière et mouvement pour donner naissance à des œuvres en perpétuelle transformation. Rencontre avec un artiste habité par le cinéma, la mémoire et l’éternel recommencement.

Karim Marrakchi est un créateur aux multiples facettes. Architecte de formation, il s’est très tôt passionné pour la peinture et la photographie, développant une démarche singulière où chaque médium nourrit l’autre. Héritier d’une enfance bercée par le 7ème art grâce à son père, propriétaire de salles de cinémas au Maroc, il a appris à observer, capter la lumière et intégrer le mouvement dans ses œuvres. Son travail, présenté récemment dans l’exposition Everything is changing à Dar El Kitab, invite à réfléchir sur la transformation permanente du monde et sur le dialogue entre les disciplines artistiques. Aujourd’hui, il nourrit un ambitieux projet: créer une maison d’art en pleine montagne à Azilal, un lieu de partage et de création ouvert à la jeunesse locale. Entretien.

Le360: vous êtes architecte, mais également peintre et photographe. Votre démarche picturale est singulière. Pouvez-vous nous en parler?

Karim Marrakchi: cela a commencé il y a longtemps. Pendant mes études d’architecture, je nourrissais déjà une passion pour la peinture. J’ai eu la chance d’avoir un excellent professeur d’arts plastiques, Henri Martin, qui m’a transmis le goût de l’histoire de l’art et du dessin. C’est dans son atelier que j’ai commencé à m’intéresser au dessin graphique et à la photographie. Il m’a initié à l’observation, qui est pour moi la base de toute pratique artistique. Observer, c’est déjà créer. Je conseille à tout le monde de prendre des photos, constamment, pour exercer son regard. C’est la base même du travail d’un peintre.

«J’étais fasciné par la pellicule, par ces micromouvements qui donnent vie aux images»

—  Karim Marrakchi, architecte, plasticien.

Votre processus créatif repose sur un va-et-vient entre photographie, peinture et lumière. Comment cela se traduit-il concrètement?

Je capture d’abord un instant, un moment qui m’interpelle. Je prends des photos presque tous les jours. Ensuite, je les retravaille: sur papier, sur toile, ou sur différents supports. Progressivement, l’image prend une nouvelle forme. Un médium essentiel dans mon processus est le verre. Je peins sur des plaques de verre, souvent des paysages que j’appelle «horizons retrouvés». À travers la lumière – du matin ou de l’après-midi – je joue avec la transparence, les couleurs et les matières. En rephotographiant ces plaques de verre à différents instants de la journée, je génère une infinité de variations. Puis je reviens à la toile, au papier, au pastel, au crayon… C’est un cycle infini. De là est né le titre de mon processus: Everything is changing. Car tout, dans la vie, est en perpétuel changement.

Vous utilisez plusieurs médiums et faites dialoguer différents arts. Votre parcours est aussi marqué par le cinéma, auquel vous avez été initié très jeune. En quoi cela a-t-il influencé votre travail?

Le cinéma m’a appris le mouvement. Mon père possédait plusieurs salles au Maroc et, dès l’âge de 5 ou 6 ans, je passais des heures à y regarder des films. J’étais fasciné par la pellicule, par ces micromouvements qui donnent vie aux images. J’ai aussi appris la puissance de la lumière, de la narration, de l’émotion. Le cinéma rassemblait tout: la photographie en mouvement, l’histoire, la beauté. Certains films, notamment ceux avec Robert Redford, m’ont profondément marqué.

Vous lui avez d’ailleurs rendu hommage dans l’une de vos œuvres…

Oui. J’aime composer à partir de mes peintures, dessins et photos. Pour cette œuvre, j’ai repris une image de Redford, saisie dans un moment de tristesse et de réflexion. Elle m’avait frappé par sa profondeur. Je l’ai intégrée dans un photomontage avec mes propres clichés et aquarelles, créant une nouvelle narration autour de son regard.

«J’ai un projet d’écolodge dédié à l’art, un lieu où l’on pourrait exposer des œuvres en plein air, accueillir des artistes, et surtout impliquer les enfants de la région»

—  Karim Marrakchi, architecte, plasticien.

Votre dernière grande exposition, «Everything is changing», s’est tenue à Dar El Kitab. Quel en était le fil conducteur?

L’exposition a duré trois mois et demi et s’est achevée il y a six mois. Elle retraçait mon travail autour de l’éternel recommencement, ce dialogue entre photographie, peinture et lumière. Avec ma curatrice, Géraldine Paoli, nous avons voulu dépasser le simple accrochage et créer une résonance avec d’autres artistes. Il y avait un grand artiste sud-coréen, de la musique sur des thèmes spirituels, une danseuse italienne qui a fait participer le public, et même des danseuses amazighes venues de l’Atlas – c’était la première fois qu’elles se produisaient à Casablanca. Elles ont entonné des poèmes amazighs. C’était un moment de grâce, de rencontres et de partage.

Vous préparez aujourd’hui un projet de maison d’art à Azilal. Pouvez-vous nous en dire plus?

Oui, c’est un projet qui me tient à cœur. Il se situe à Azilal, à 1.600 mètres d’altitude, sur un terrain de 7 hectares où j’avais planté des pommiers. Je souhaite le transformer en écolodge dédié à l’art, un lieu où l’on pourrait exposer des œuvres en plein air, accueillir des artistes, et surtout impliquer les enfants de la région. Nous avons déjà réalisé avec eux une fresque murale de 15 mètres. Je veux que ce lieu devienne un espace de création, de transmission et d’émerveillement.

Par Qods Chabâa et Abderrahim Ettahiry
Le 22/09/2025 à 10h04