«Big Data Djihad», c’est une histoire d’amour vache, de réseaux sociaux HS, des émotions édulcorées, un Dieu qui ne compte que les larmes des femmes, un monde «qui pue la merde» car peuplé de «trous de balles». Dans un registre cru, Hicham Lasri dépeint donc une humanité enracinée dans la peur, qui fait le sel du monde moderne.
Le360 vous convie à découvrir les bonnes feuilles d’un roman décrivant un anti-héros génial, qui casse Internet pour punir une influenceuse qui l’a quitté, sans que toutes les polices du monde ne parviennent à savoir ni comment, ni pourquoi.
Le pisseux s’est éclipsé sans se laver les mains. Toujours la même rengaine. Je suis seul et mon esprit dérive, il y a de l’allégorie partout. C’est ce qui me rend lyrique et me pousse à faire de grandes phrases. Ce n’est pas que de ma faute ! Mais en réalité, je suis un insouciant, un dérangé du système nerveux, mes émotions sont anesthésiées.
Le sentiment ne trouve jamais son chemin dans l’imbroglio neuronal sous ma viande. Je suis le seul à le savoir. Parfois j’essaie d’être triste. Je sors mon masque de mélancolie pour le montrer aux gens autour de moi, histoire de ne pas me faire éjecter de la race humaine. Parfois c’est pénible !
La mort de la mère de Bambi ? Ça m’a touché la graisse d’une couille sans faire bouger les poils de l’autre. En réalité, la seule chose qui ravive ma passion, la seule chose d’ordre métaphysique capable de me sortir de ma torpeur est ce genre de question débile soluble dans la geekerie mondiale : comment il fait Superman quand il pète pour ne pas faire exploser les buildings autour ? Il doit sûrement partir dans l’espace pour lâcher ses flatulences, comme tous les blaireaux qui changent de pièce pour ne pas se soulager d’une caisse qui leur encombre la tripaille.
On parle quand même d’un mec qui peut disperser l’atmosphère de la Terre s’il cherche à éventer un pet silencieux ! Knock knock ! On vient m’arracher à mes idées. Il est temps de retrouver le film de cette narration pénible. Dans le couloir, je retrouve tout le monde qui m’attend. Toujours ce désir canin de se renifler le fion pour vérifier si tout se passe mal, comme il faut. On me montre une vidéo sur un vieil iPad. Sur la vidéo, il y a moi qui apparais de nulle part, entre dans le cadre et pose un pétard iranien contre une installation gigantesque après avoir inoculé un virus monstrueux dans les poumons de serveurs gigantesques.
Je porte mon tee-shirt avec la tronche de Zapruder et ma casquette avec la gueule de Koulechov, ça fait de nous une bande de racailles aux gueules asymétriques qui font jazzer les capteurs de reconnaissance faciale. Les flics me fixent de leurs meilleurs yeux. Ils se prennent pour des détecteurs de mensonges. Mais la vidéo m’ennuie, je connais le film, j’étais sur place. Je regarde quand même, pour honorer l’effort. Puis on fige l’image.
- C’est toi ?
Le gradé, plus botnet que jamais, essaie sur moi le seul tour de magicien qu’il connaît : l’intimidation à coups de voix de baryton et de gonflement de plumes. Je nie d’un hochement de tête.
- C’est bien toi !
D’une grimace de ma bouche, je nie.
- Comment tu as fait pour être à cet endroit ?
Personne ne t’a vu entrer ou sortir, et surtout c’est à l’autre bout de la planète... Et ça s’est passé il y a seulement quatre heures... C’est à 2500 km...
Aucune image de toi dans aucun aéroport du monde... Comment tu as fait ? Je hausse les épaules. Je fais dans le minimalisme. Je suis du genre à croquer dans les filles et jamais dans les pommes, ce n’est pas moi qui aurais fait éjecter l’humanité du Paradis. Il joue au coriace, je joue au citoyen lunaire et innocent.
Je ne crains personne pour les performances d’acteur. Autour de nous, les autres flics, de plus en plus nombreux, sont venus assister au duel ou renifler du parfum de viscères. Ils ont repassé la vidéo de surveillance encore et encore comme pour me confondre, comme pour trouver des failles, des fragilités, dans mon être, dans mes actes.