Exclusivité-Le360. EP2. Les bonnes feuilles de «Cloud cowboys», nouveau roman de Hicham Lasri

Hicham Lasri (Hamza Zidane)

Artiste conceptuel et écrivain reconnu, Hicham Lasri opère un retour fracassant avec un nouveau roman «Cloud cowboys» où il livre une vision incandescente et inoubliable d’un monde à l’agonie, où l’espoir est la dernière ressource. En exclusivité, Le360 en publie les bonnes feuilles au fil des épisodes.

Le 28/06/2025 à 08h22

Cloud Cowboys, nouveau roman de Hicham Lasri est l’histoire d’un monde à l’agonie. Une fable arabo-futuriste à la croisée de Mad Max et du mythe. Un roman où l’espoir, plus encore que l’eau, devient la ressource la plus rare.

La famille Vallenari, derniers Cloud Cowboys, dérive au-dessus des terres mortes à bord de la Beatle, machine colossale, conçue pour capturer la pluie. Leur quotidien déjà précaire, bascule lorsqu’un nuage contaminé, s’écrase à proximité libérant une toxine mystérieuse et mortelle.

Dans le ciel, le tapis de nuages se solidifie sur le harpon et revient docilement dans le giron du Beatle. Voilà comment sauver l’avenir de la famille. Facile. Seule la famille importe en ces temps de dislocation de tout. En ce moment, elle veut jeter quelque chose sur la tête de son mari, un blâme ou une clé à molette, mais elle sait que son mari est un peu loin dans sa tête, lui aussi est dans les nuages, lui aussi est un nuage immaculé qui a besoin d’être relié à elle et alimenté en tension affective constamment pour ne pas être emporté par le vent, ou contaminé par les nuages toxiques sur son chemin. Cordon ombilical émotionnel. Crevure. Son mari a cette conviction, Gesamt/kunst/werk, et de ce mot tortueux, il sort son code de conduite: il veut que sa vie soit une Œuvre d’Art Totale. Geek. Elle regarde le tapis de nuages qui reprend sa marche tranquille tandis que la Beatle mastique avec ses chenilles les sols désertiques poussiéreux. Heureusement qu’elle est à presque cinq étages du niveau du sol, elle n’est pas obligée de respirer cette poussière toxique qui a transformé la terre en une litière infecte. Toxique. Elle contemple les nuages, ils sont beaux, soyeux et d’un blanc immaculé: du vrai coton, qualité optimale. Fierté.

Sur son chemin, elle a réussi à éviter les rares nuages gris ou noirs qui auraient pu contaminer sa récolte, ce n’était pas facile, elle était bonne en algèbre et en snooker, mais surtout, elle avait eu un bon instructeur. Le Con! Elle n’entend plus les cris de ses enfants en bas. Ils se sont endormis. Mignons. Alizé, le vent se lève, elle préfère quand le vent reste assis… Quand le géant sort de sa léthargie, les ennuis peuvent commencer. Son mari n’est pas un mauvais bougre, c’est un rêveur. Le sexe, le sang, les larmes, la bave, tous ces liquides apportent de l’oxygène à ce genre de personnalité au bord du vertige existentiel sur leurs échasses d’angoisses. Le Con! Elle sait qu’il n’y peut rien.

Elle sait que ce n’est pas contre elle. Elle sait aussi qu’elle ne peut pas s’empêcher de le pourrir. Il a de la chance d’avoir une femme comme elle. La Maman contemple autour d’elle le décor aux allures de gueule de bois chronique. Cracher sur ce désert serait perte criminelle de salive. Elle s’en veut d’avoir laissé Sami et Nora pleurer jusqu’à la fatigue avant de s’écrouler de sommeil. Entropie. Elle ne peut pas les protéger de la vie, ni des traumatismes qui vont façonner la glaise de leurs personnalités et de leur chair. Consolation. Mettre l’étrange au service du sensible et de la grâce, voilà ce qu’elle a été obligée de confectionner pour ne pas jeter son mari sous les chenilles du Beatle pour qu’il se fasse mastiquer à son tour.

Au début de leur histoire, Il lui a promis de vivre de poésie et d’eau, et elle, naïve, a pris ça pour une métaphore désuète. Lui, n’a pas changé, c’est elle qui le regarde avec de moins en moins d’étoiles dans les yeux. Combien d’astres morts pour signer la fin d’une romance ? Affaissement. Puis le gargouillis de la faim a remplacé les papillons dans les tripes. Elle aurait pu rester seule à batailler dans ce monde fractalisé par la misère et les dérèglements hormonaux de la planète. Il vaut mieux rire ensemble de la déshumanisation qui gangrène ce monde que de rester seule à subir la pluie de larmes, les siennes, comme celles des autres. Jargonnage.

C’est cette phrase lue dans un quelconque magazine acheté au marché noir qui avait fait basculer son point de vue en s’appuyant sur sa fatigue émotionnelle. C’était une Outsider, la douleur et la solitude étaient son Totem. Elle avait renoncé à chercher la bonne formule, le bon code pour intégrer le grand rêve collectif du communautarisme conformiste.

La disparition de son adolescence avait emporté sa hargne et l’envie de tout casser, elle avait perdu le don de se réinventer un quotidien, une vie par la seule force de sa singularité. Elle qui crachait sur tout, tout le monde et tout le temps, avait cédé au désir de partager une émotion collective. L’âge.

La rencontre avec le Papa est une dinguerie Punk, dont elle était fière: Sami et Nora seront fiers de savoir comment leurs parents se sont retrouvés, comment le monde, le karma, la flicaille, Mumu & Basta, et la poussière d’étoiles se sont mélangés pour créer un pont invisible qui les a reliés. Mektoob.

Par le360
Le 28/06/2025 à 08h22