Exclusivité-Le360. EP1. Les bonnes feuilles de «Cloud cowboys», nouveau roman de Hicham Lasri

Hicham Lasri (Hamza Zidane)

Hicham Lasri signe un retour incandescent avec «Cloud Cowboys», un roman aux allures de cri du cœur pour un monde en chute libre. Entre fulgurances poétiques et lucidité brute, l’auteur dévoile une fresque où l’espoir devient l’ultime acte de résistance. Le360 vous propose, en avant-première, de plonger dans ses pages brûlantes, épisode après épisode.

Le 14/06/2025 à 15h48

Avec Cloud Cowboys, Hicham Lasri propulse le lecteur dans une fable arabo-futuriste à la croisée de Mad Max et du mythe. Dans ce monde à l’agonie, ravagé par la soif et la violence, l’espoir devient plus précieux que l’eau. Un récit lucide et incandescent, où la fiction ouvre une brèche vers un futur à réinventer.

Dans un monde ravagé par la sécheresse, la famille Vallenari, derniers Cloud Cowboys, fend les cieux à bord de la Beatle, une machine géante conçue pour traquer les nuages. Mais quand l’un d’eux s’écrase, empoisonné par une toxine inconnue, leur errance prend des allures de survie ultime.

Le Jour de la création

«Quel con! Quel con! Quel con…» Voilà le champ lexical que labourent les mots blessants et nonchalants de la Maman. «Quel Con!» quelle drôle de manière de commencer une journée, «Quel Con!»… Le Con en question est déjà loin, alors qu’elle s’apprête à éviter la catastrophe. Elle laisse ses enfants par terre au milieu des jouets en bois et des cris, en pagaille pour empêcher que les nuages ne se volatilisent. Elle n’aime pas ça! Ce n’est pas sa mission, ni sa spécialité! Garder les nuages… elle sait qu’elle va perdre l’heure passée à repasser ses cheveux pour se faire jolie. Elle traite encore son mari de con…

Quel connard!

Elle a abandonné ses enfants dans le ventre chaud du Beatle, sa fille et son fils sont bercés par le grondement des machines et les grommellements de la Maman. Quel Con! Mais quel con! Elle déteste quand il l’abandonne comme ça en cours de route 5 cloud cowboys pour courir l’opportunité, cette gueuse qui lui ravit à chaque fois son époux.

Quel con! Quel connard! Elle entend ses enfants qui piaffent, s’impatientent et bientôt ce sera le concert de braillement, de cris, de vagissements, de hurlements et un niveau sonore intolérable au milieu des machines monstrueuses du Beatle qui grappille le sol à pleine dent avec ses chenilles gigantesques. Vorace. Elle ne sent même plus le mouvement de cette montagne par la force de l’habitude et l’ennui. Quel Con! Elle s’affaisse puis se rappelle son Mantra: «Poitrine offerte et ventre avalé… Ne te laisse pas affaisser même si le monde est en affaissement, la vie est un trou noir qui œuvre à ramollir les gens, à atteindre le stade hilarant de la spaghettification… Les gens se ramollissent et la vie se gondole. Ha! Ha!»

Quel connard!

Elle avait l’habitude de ce fantôme déguisé en mari inconsistant, de ce père sporadique, de cette moralité de Bob Spongieux, mais elle refuse d’accepter de le voir se défiler de son rôle de pilote de Beatle. Monstre. Elle a appris à diriger la bête métallique, mais ce n’était pas une raison pour la laisser à chaque fois seule avec ses enfants dans les zones les plus hostiles du désert pour essayer de tromper son ennui avec des fugues adolescentes qu’il essaye de camoufler sous ses projets miracles. «Tu es heureuse et je n’y suis pour rien… je me sens inutile et délaissé». Derrière son fameux sourire triste, s’est tapie une autre tristesse, moins poussiéreuse et charmante, plus corrosive, une tristesse qui fait mal. Distance. Il est parti vexé quand il a appris qu’elle était heureuse sans qu’il en soit la raison, ni la cause, mais il l’avait méritée, cette gifle.

Mais quel con!

C’est lui qui s’est laissé tomber tout seul dans la cage d’escalier de cette conversation. Vertige. La Maman a exagéré son bonheur pour le faire enrager, mais en fin de compte, c’est vrai qu’elle était heureuse des enfants adorables, une vie moins monotone que celles des autres zombies, et même un mari qui la laissait respirer et la faisait jouir quand il sortait la tête des nuages de ses projets pour la planter dans l’entrejambe de sa femme. Félicité. N’y mets pas d’émotion, a-t-elle l’habitude de se dire quand elle commence à hyperventiler d’anxiété et de colère, n’y mets pas d’émotion, n’y mets que du plaisir et de la jouissance. Le sentiment ça colle, l’émotion est gluante, c’est du bubble-gum sous les semelles, ça finit par agacer. Intériorité. Les rapports humains c’est comme la sueur, ils finissent toujours par puer, c’est une histoire de toxines, de toxicité. N’y mets pas d’émotion!

Elle sourit. Elle est heureuse, personne ne peut rien contre ça.

Par Le360
Le 14/06/2025 à 15h48