Les Arabes musulmans ne représentent que 20% des musulmans. Autrement dit, 4 musulmans sur 5 ne sont pas arabes! Sur près de 52 pays à majorité musulmane, seuls 27 sont arabes. Les autres sont africains, iraniens, européens (Turquie, Albanie, Azerbaïdjan, Bosnie-Herzégovine et Kosovo) et surtout asiatiques. L’Indonésie compte le plus de musulmans, suivi de l’Inde et du Pakistan.
Les religions regroupant le plus d’adhérents dans le monde sont le christianisme (2,4 milliards) et l’islam (2 milliards).
Il existe plus de 120 traductions françaises du Coran. La plus ancienne date de 1647, réalisée par André du Ryer, consul de France en Egypte. Aucune n’a été considérée comme fiable.
En 1890, Kazimirski, orientaliste arabisant hongrois, catholique orthodoxe, publie une version appréciée par les francophones, mais critiquée par des religieux musulmans. Si en islam, il n’y a pas de clergé, l’Université d’Al-Azhar (Egypte) et l’Arabie saoudite jouent ce rôle et peuvent certifier ou rejeter certaines traductions. Celles qui sont cautionnées sont éditées au Caire.
La première traduction en français par un musulman est celle d’un Indien, en 1956, Muhammad Hamidullah. Elle a été corrigée par le Conseil scientifique islamique de Médine. Ensuite, il y a les versions de l’Algérien Hamza Boubakeur en 1972, du Tunisien Sadok Mazigh en 1983, de l’Algérien Malik Chebel en 2009…
Parmi les traductions de non-musulmans, il y a celle de Jean Grosjean (1923), poète et prêtre français, dans une langue très poétique, révisée suivant les indications de l’Institut de recherches islamiques de l’Université d’Al-Azhar.
Il y a celle de l’orientaliste français, islamologue arabisant Régis Blachère (1957) et de Jacques Berque (1993), grand sociologue, anthropologue et orientaliste français. Sa traduction du Coran a été plébiscité par la communauté scientifique pour son exactitude.
Enfin, il y a celle d’une femme, Denise Masson, en 1967, la plus diffusée, la plus vendue, considérée comme une des plus fiables et surtout la plus accessible au public.
Denise Masson est née à Paris en 1901, dans un milieu catholique bourgeois. En 1911, sa famille s’installe en Algérie. Denise Masson y passe son enfance, baignée dans la culture maghrébine et musulmane qui la fascine. Elle obtient le brevet d’études.
En 1925, le divorce de ses parents la pousse à vivre dans un couvent pour devenir religieuse, mais elle y renonce et entreprend une formation d’infirmière. Après avoir travaillé à Tunis, elle s’installe à Rabat, en 1929, dans un dispensaire pour tuberculeux. Un an après, elle s’établit à Marrakech et étudie l’arabe dialectal, l’arabe classique et l’islam.
En 1938, ses parents l’aident à acheter un des plus grands riads de la médina de Marrakech, avec un jardin central (Derb Zemrane, Bab Doukkala). Elle habite loin des quartiers modernes occupés par les Français et les Européens, jusqu’à son décès en 1994, à 93 ans.
Dans son riad, elle crée un Centre d’études islamiques où elle accueille de jeunes chercheurs en histoire et en islamologie.
Elle établit un programme, sous la direction de l’Education nationale française, pour apprendre l’arabe aux assistantes sociales françaises pour les initier à la culture marocaine et à l’islam. Son projet fut rejeté car contraire à la politique du protectorat: c’est aux autochtones d’apprendre la langue française et non aux colons d’apprendre l’arabe. Elle démissionne en 1947 et entame une importante activité intellectuelle avec un grand intérêt pour les religions monothéistes.
En 1958, elle publie «Le Coran et la révélation judéo-chrétienne», suivi de nombreux ouvrages sur le dialogue entre l’islam et le christianisme. En 1967, elle publie sa version du Coran en français, fruit de 30 ans de labeur (Bibliothèque de la Pléiade.)
Cette version a été considérée comme la plus lisible, la plus fluide, à la qualité littéraire incontestable.
En 1977, cette traduction est revue par le théologien libanais Sobhi el-Saleh et imprimée en version bilingue à Beyrouth. Les oulémas de l’Université Al-Azhar lui attribuèrent le label d’«Essai d’interprétation du Coran inimitable». Une distinction prestigieuse, accordée à très peu d’hommes! Etonnant qu’elle soit accordée à une femme!
En fait, la traduction était signée D. MASSON. Pour tout le monde, D. était un prénom masculin! Elle reçoit un courrier d’Al-Azhar, commençant par «Monsieur D. MASSON…». Sans cette erreur, aujourd’hui nous ne parlerions pas du Coran en français de Denise Masson, le plus vendu dans le monde!
Dans la médina de Marrakech, les voisins de Denise Masson en parlent comme d’un mythe, vantant son humanisme, sa générosité avec le voisinage et son amour pour le Maroc et les Marocains. Elle aidait et soignait les pauvres, me dit-on. Sous protectorat, lors des manifestations contre la colonisation, elle se plaçait au premier rang et marchait en levant haut sa canne.
On la nommait «la Dame de Marrakech». N’ayant pas d’enfants, elle a légué son riad à la France, à condition qu’il demeure un lieu de culture et de dialogue entre les religions, ouvert au public.
Aujourd’hui, géré par l’Institut français, il est une résidence pour les artistes et les intellectuels et un prestigieux centre culturel.
Le lieu est magique. On m’a invitée à y séjourner, mais je me suis lâchement dérobée. La rumeur dit que la nuit, Denise Masson sort se promener dans sa précieuse bibliothèque. Ayant peur des fantômes, je n’ai pas eu le courage de la rencontrer!
Dieu vous bénisse, Denise Masson, pour ce que vous avez été, ce que vous avez fait et pour l’empreinte que vous avez laissée dans l’histoire de l’humanité.