L’oeil malicieux, porte-cigarette au bec, l’écrivain, longtemps habitué des plateaux de télévision, marchait ces dernières années en s’aidant d’une canne mais sa plume restait alerte. «Je cours peut-être moins vite mais je pense plus vite», fanfaronnait-il dans un livre d’entretiens paru en janvier 2019.
Né le 28 novembre 1936 à Talence, dans le sud-ouest de la France, dans une famille d’industriels, Philippe Sollers abandonne vite ses études pour se consacrer à la littérature. Mais, avant toute chose, il troque son patronyme de Joyaux pour celui de Sollers, du latin «sollus» et «ars» («tout entier art»). A 22 ans, il publie son premier roman «Une curieuse solitude», salué par Aragon. «Le destin d’écrire est devant lui, comme une admirable prairie», écrira le poète français. Trois ans plus tard, en 1961, son deuxième roman, «Le Parc», reçoit le prestigieux prix Médicis.
Création de la revue littéraire Tel Quel
Jeune écrivain prometteur, Philippe Sollers participe à la création de la revue littéraire Tel Quel au printemps 1960. En épigraphe, celle-ci reprend une formule de Nietzsche: «Je veux le monde et le veux tel quel, et le veux encore, le veux éternellement». La revue entend mettre en avant toutes les formes d’avant-garde. On y défend le mouvement littéraire français du Nouveau Roman ou le futur prix Nobel Claude Simon. Elle ouvre ses colonnes à des écrivains comme Nathalie Sarraute ou Alain Robbe-Grillet et défendra des penseurs majeurs français comme Roland Barthes, Michel Foucault ou Jacques Derrida.
Au début des années 1970, la revue prend fait et cause pour le maoïsme chinois. En 1974, Philippe Sollers fait partie de la délégation qui se rend en Chine à l’invitation du pouvoir. Cet aveuglement vis-à-vis du régime autoritaire chinois vaudra à l’écrivain sarcasmes et critiques. Philippe Sollers niera avoir jamais été «maoïste» mais, dans le livre d’entretiens de 2019, il affirmait: «Je persiste à dire (...) que cette révolution épouvantable fait que la Chine est désormais la première puissance mondiale». Signe de sa fascination pour la Chine, tous ses livres contiennent des références à ce pays.
Double vie amoureuse
En 1982, il fonde une nouvelle revue, L’Infini. Il devient également membre du comité de lecture puis directeur de collection dans la prestigieuse maison d’édition Gallimard. C’est avec son roman «Femmes» (1983) que Philippe Sollers atteint la notoriété. Des critiques dénoncent la «pornographie» qu’ils décèlent dans ce texte. «C’est mon meilleur livre. Mon paradis indépassable», rétorque ce fin connaisseur de Casanova, à qui il a consacré une biographie, auteur d’un dictionnaire amoureux de Venise.
Marié depuis 1967 à la psychanalyste Julia Kristeva, avec qui il a eu un fils David, il voua un «amour fou» à l’écrivaine belge Dominique Rolin, de 23 ans son aînée. Leur correspondance sur un demi-siècle a été publiée en 2017 et 2018. Lui avait dévoilé sa double vie amoureuse en 2013 dans «Portraits de femmes».
Pour ses détracteurs, Sollers était «futile», «mondain», «ennuyeux» et orgueilleux. A la question, «si vous deviez mourir demain, que resterait-il de vous?», il répliquait: «une caisse de livres», ajoutant: «On se demandera comment on a pu se laisser prendre à l’image d’un Sollers aussi médiatique et désinvolte alors que c’est un travailleur acharné».