Le long-métrage «Dados», le premier réalisé par Abdelouahed Mjahed, avec à l’affiche Majdouline Idrissi, Jamila Haouni, Rafik Boubker, Ibtissam Laaroussi, a réalisé 164.934 entrées et a dépassé les 8 millions de dirhams de recettes au cinéma. C’est ce qui ressort du bilan 2023 du centre cinématographique marocain (CCM). Le film occupe la première place du box-office des 30 films les plus vus en 2023. Mais s’il est heureux d’avoir obtenu ce succès, Abdelouahed Mjahed avec déjà neuf courts métrages au compteur et un prochain long-métrage dans le pipe, dénonce la politique des distributeurs qui, selon lui, décourage les auto-producteurs.
Le360: votre film «Dados» est en Top du box-office des films les plus vus au cinéma en 2023. Quelle est votre réaction à ce succès?
Abdelouahed Mjahed: le film «Dados» est une auto-production. J’en suis le coscénariste, le réalisateur et le producteur. C’était donc un véritable défi pour moi que ce long-métrage, mon premier, puisse voir le jour. J’avais déposé le scénario plusieurs fois au CCM, mais je n’avais pas obtenu l’avance sur recettes. Je souhaitais réellement et à tout prix m’affirmer et m’imposer sur le marché cinématographique marocain et j’ai donc décidé de le financer de ma poche. C’était très difficile, mais j’ai finalement réussi. Après la post-production, ceux qui avaient visionné le film avec moi étaient unanimes quant au succès potentiel de ce film dans les salles de cinéma. Et c’était le cas effectivement dès sa projection en avant-première.
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La distribution s’est effectuée dans plusieurs salles de cinéma au Maroc, celles qui sont opérationnelles, comme vous le savez, sont très peu nombreuses. Le film dépassait les quatre semaines de succès et chaque semaine, c’était sold-out.
Je suis très heureux de voir que, malgré toutes les difficultés que j’ai rencontrées avec ce film, il est le premier long-métrage le plus vu au cinéma au Maroc en 2023.
Qu’est-ce qui fait selon vous que ce film ait pu plaire aux spectateurs marocains?
Je pense que ce qui a prédestiné au succès du film c’est son scénario. Comme a dit Jean Gabin, pour avoir un bon film, il faut avoir un bon scénario. Après, il y a le casting. J’ai choisi parmi mes amis acteurs marocains, des têtes d’affiche. C’est le cas de Majdouline Idrissi, Driss Roukh, Jamila Haouni, Mehdi Foulane, Souad Addaoui, Momo de Hit radio… Un casting de fou. J’ai vraiment galéré pour rassembler tout ce beau monde, mais je savais pertinemment que j’avais opté pour la recette gagnante. Tous ceux qui ont collaboré à mes côtés ont cru en moi…
«Pour voir les films de drame, les Marocains ont recours à la vidéo à la demande (VOD), sur les plateformes de streaming et ne vont pas payer une place de cinéma pour voir un drame sur grand écran.»
— Abdelouahed Mjahed, réalisateur de "Dados"
Il faut savoir que depuis «La route vers Kaboul», et même avant grâce «À la recherche du mari de ma femme» de Mohammed Abderrahmane Tazi, on a découvert que le public marocain préfère les comédies. D’ailleurs, en prime time à la télévision durant le ramadan, ce sont les sitcoms qui ont la cote même si personnellement je ne suis pas satisfait de ce qui se fait dans notre pays, mais le Marocain fait sa thérapie avec le rire. Il fait face à tellement de problèmes dans sa vie, à plein d’obstacles que la comédie vient en échappatoire. Pour voir les films de drame, les Marocains ont recours à la vidéo à la demande (VOD), sur les plateformes de streaming et ne vont pas payer une place de cinéma pour voir un drame sur grand écran.
«Dados» a engrangé presque 9 millions de dirhams de recettes, le distributeur trinque…
Le distributeur prend entre 20 à 30% des recettes, ce n’est vraiment pas juste. Plusieurs auto-producteurs ont commencé à avoir peur de faire un film. Il va dépenser jusqu’à 3 millions de dirhams, et les recettes qui sont engrangées sur les entrées en salles vont presque entièrement au distributeur. En ce qui me concerne par exemple j’ai dépensé deux millions de dirhams pour produire «Dados». Et alors que ce film est en Top du box-office marocain de l’année 2023 et a engrangé presque 9 millions de dirhams de recettes, je ne reçois qu’à peine 1,5 million de dirhams en tant que producteur. Ce n’est pas normal. C’est un montant inférieur à celui que j’ai dépensé. Cela signifie que je n’ai même pas récupéré mon argent. Normalement, le producteur doit gagner pour qu’il puisse financer d’autres films sinon tout le monde va s’arrêter au premier film et personne ne va vouloir investir, car il coule à sa perte.
«Cette année, nous n’avons pas pu organiser la sixième édition du festival Ciné plage de Harhoura car nous n’avons pas bouclé le financement nécessaire.»
— Abdelouahed Mjahed, réalisateur de "Dados"
Le succès de «Dados», votre première œuvre, vous encourage probablement à en réaliser d’autres. Quel est votre prochain projet de long-métrage au cinéma?
J’ai déjà réalisé neuf courts-métrages et plusieurs documentaires. Là, c’est mon premier long-métrage mais je prépare mon second. J’ai heureusement obtenu l’avance sur recettes pour mon prochain projet que je vais réaliser dans trois à quatre mois. Le film, que j’ai écrit avec mon ami Fouad Moussaoui, raconte l’histoire d’un enfant qui habite un bidonville à côté d’un terrain de golf et durant les vacances, sa mère qui y travaille en tant que femme de ménage lui fait découvrir les lieux bourgeois. Deux mois plus tard, l’enfant est fasciné, il apprendra beaucoup de choses et va finir par remporter le premier prix lors d’un tournoi.
Vous êtes le fondateur du festival Ciné plage de Harhoura. Cette année, il n’y a pas eu d’édition. Quelles sont les raisons qui justifient l’arrêt de ce festival?
Concernant le festival Ciné plage de Harhoura dont je suis le président fondateur, cette année nous n’avons pas pu organiser la sixième édition car nous n’avons pas bouclé le financement nécessaire. Imaginez, un festival de cinéma qui invite plus de 150 artistes durant une semaine et une scène en plein air sur la plage de Sidi El Abed, avec un budget de 400.000 dirhams! C’est vraiment dérisoire. La commission du CCM d’aide aux festivals de cinéma nous a octroyé 150.000 dirhams. Mais, on ne peut rien faire avec cette somme. Et c’est vraiment dommage, car Harhoura est une station balnéaire qui a besoin de ce festival. Malheureusement, ce festival a été enterré. L’installation seule de la scène dans les conditions d’une salle de cinéma, sur la plage, en plein air, coûte jusqu’à 500.000 dirhams.