Métropole de plus de 3 millions d’habitants, capitale économique du Maroc, ville à l’activité frénétique qui ne dort jamais… Casablanca ne manque pas d’atouts et pourrait rivaliser avec bien d’autres grandes cités du monde. Mais une ombre persiste au tableau: le manque d’infrastructures culturelles qui la caractérise. Cette ville à l’histoire si riche, lisible dans le cœur palpitant de son ancienne médina comme dans l’architecture de son centre-ville, attend encore que la créativité qui l’habite trouve refuge dans de véritables centres d’arts et, plus précisément, dans des musées.
Ce ne sont pourtant pas les ambitions et les projets qui manquent. Un exemple précis illustre ce grand rendez-vous manqué entre la ville blanche et la culture: le projet de maison de la photographie sis dans l’ancienne médina de Casablanca, né en 2018 à l’initiative du photographe marocain Touhami Ennadre, et conçu dans le cadre du plan de réhabilitation de la médina réalisé conformément aux instructions du roi Mohammed VI à partir de 2010.
Derrière la belle muraille rénovée de la vieille ville, à quelques mètres de la Sqala et du Rick’s Café où se pressent les touristes, se cache un lieu magnifique, conçu par l’un des plus grands architectes au monde, le Japonais Tadao Ando. Un écrin prêt à ouvrir ses portes… depuis cinq ans.
La bâtisse, qui reflète le style minimaliste du grand maître japonais, se distingue par ses formes géométriques simples en béton brut et par de subtils jeux de lumière et d’ombre. Elle se dresse au détour d’une ruelle flanquée d’échoppes traditionnelles. Véritable perle architecturale, conçue dans le cadre de la troisième phase du plan de réhabilitation de la médina (2018-2023), le lieu a été édifié sur les ruines de l’ancien Foundouk Lebbadi, établissement autrefois dédié à l’hébergement des commerçants caravaniers et de leurs montures, ainsi qu’au stockage de leurs marchandises.
Sur une plaque scellée au mur, on peut lire que ce Foundouk, qui porte le nom d’une famille de notables de Tétouan installée à Casablanca au 19ème siècle, a été converti «en maison des arts et d’expositions – Maison de la photographie», dans le cadre de la convention relative à la réhabilitation de l’ancienne médina. Mais hormis cette indication, rien ne renseigne sur la fonction de ce lieu pourtant entièrement aménagé, comme en témoigne le mobilier déjà installé et visible depuis l’extérieur.
Lire aussi : Casablanca: la villa Carl Ficke, un siècle d’histoire restauré
Pour en savoir plus, il faut se rendre sur le site de l’agence urbaine de Casablanca et consulter le projet de réhabilitation et de remise à niveau de l’ancienne médina. On y indique ainsi que ce projet consistait en la construction et l’équipement d’une maison d’art et d’exposition, qui comprendrait des espaces d’expositions permanentes et temporaires, une salle de formation, un studio, un laboratoire de développement noir et blanc, une salle de traitement d’image numérique, une bibliothèque, une médiathèque, le tout s’étendant sur une surface de 870 m².
Un beau programme si ce n’est qu’aujourd’hui, le bâtiment réalisé par le groupe TGCC pour une enveloppe globale de près de 27 millions de dirhams est une coquille vide placée sous la surveillance d’une société de gardiennage. Impossible d’y pénétrer ou d’en savoir plus, si ce n’est que des ouvriers seraient en train d’effectuer des travaux à l’étage depuis quelques jours, apprend-on dans le voisinage.
Contactés par Le360, ni la maire de Casablanca, Nabila Rmili, ni le gouverneur, directeur de l’agence urbaine de Casablanca, Taoufiq Benali, n’ont répondu à nos sollicitations.
Lire aussi : Un quartier, une histoire EP-1: à la (re)découverte de l’ancienne médina de Casablanca, un musée à ciel ouvert
Qu’adviendra-t-il de cet endroit? La question reste en suspens. Ce musée ne gagnerait-il pas à entrer dans le giron de la Fondation nationale des musées? Cette institution, qui assure déjà la gestion de la Villa Carl Ficke, transformée après réhabilitation en musée de la mémoire de Casablanca, verra son réseau casablancais s’agrandir avec l’ancienne aérogare d’Anfa, prochainement reconvertie en un musée de la photographie, conformément à un partenariat porté par la Fondation nationale des musées (FNM), la Caisse de dépôt et de gestion (CDG) et l’Agence d’urbanisation et de développement d’ANFA (AUDA).
L’importance de ce musée est considérable, car en plus d’avoir été conçu par un architecte de renommée internationale, cet endroit se situe par ailleurs à un endroit ultra stratégique, à proximité du terminal de croisières, inauguré le 18 septembre 2025 par le roi Mohammed VI, et grâce auquel Casablanca verra son attractivité touristique renforcée avec l’accueil de près de 450.000 croisiéristes chaque année. Nul doute que la médina de Casablanca, dont plusieurs bâtiments historiques ont été très joliment réhabilités depuis 2010, gagnerait à disposer d’un musée d’envergure. Mais au-delà de l’inscription de ce musée dans le parcours touristique qui sillonne désormais la médina de Casablanca, l’enjeu principal d’un tel endroit, tel qu’il a été pensé lors de sa conception, est avant toute chose de rendre accessible l’art pour tous. La médina de Casablanca, ses habitants et sa jeunesse méritent bien un tel endroit.








