Si j’ai attendu la clôture de cet événement appelé si pompeusement “Le Salon international de l’édition et du livre”, avant de vous en parler, c’est d’une part pour éviter qu’on me reproche de l’avoir chahuté, et d’autre part, parce que j’espérais, une fois encore, qu’il n’allait pas ressembler à l’édition de l’année dernière qui, elle-même, ressemblait à celle d’avant et à toutes celles qui les avaient précédées.
Ne me croyez pas si vous le voulez, mais je vous jure qu’avant de pénétrer dans l’enceinte de cet immense espace dédié depuis des lustres aux foires, aux Salons et à tout ce qui leur y est afférent, je n’avais pas qu’une seule envie, c’est d’être agréablement surpris. Tu parles!
Dès l’entrée au parking, on m’a annoncé la couleur: des dizaines de fourgons jaune canari sale d’où sortaient ou entraient des centaines de gamins et de gamines qui piaillaient comme s’ils allaient à la cantine. En fait, la première fois que je suis parti, c’était un mercredi, un jour où les gosses ont plus envie de s’amuser que de se cultiver. Mais bon, je suppose, comme toujours, que ça part d’une bonne intention.
Quant à moi, je n’avais pas réellement choisi de venir ce jour-là plutôt qu’un autre, mais tout simplement je n’avais pu y aller avant à cause d’une mauvaise grippe, et que je traînais toujours. D’autre part, je tenais à assister à la signature d’un livre d’un ami qui connait bien Averroes et à qui je voulais absolument demander pourquoi on avait donné, chez nous, le nom de cet illustre penseur à un hôpital et pas, par exemple, à une université ou à une bibliothèque. Oui, je sais qu’il était aussi médecin, mais il était également juriste, et pourtant on n’a pas donné son nom à un... tribunal.
Mais passons! Moi, franchement, je trouve que non seulement ce SIEL n’arrive pas s’élever bien haut, mais, en plus, il se dégrade d’année en année. C’est un mélange très peu subtil de foire fourre-tout, de souk hebdomadaire, de kermesse de province, de supermarché de quartier, de cour de récréation d’école, de grand fast food, et, enfin, si ça peut vous faire plaisir, d’immense librairie, mais où l’on vient plus pour feuilleter les bouquins que pour les acheter.
J’aimerais dire quelques mots sur les débats qui ont lieu çà et là tout au long de ce long Salon. Pour avoir assisté à quelques-unes des rencontres qui ont eu lieu cette année, je pense que ce lieu peut servir à tout, et il le fait déjà allègrement, sauf à accueillir des discussions littéraires.
Mis à part les espaces spécialement dédiés aux conférences et autres baratinages, et qui se trouvent à l’extérieur du grand bâtiment, tous les autres qui ont été créés par les uns et par les autres, ne permettent ni de discuter ni juste d’écouter. Vraiment, je plains les pauvres intervenants dont certains sont d’illustres érudits, qui tentent tant mal que bien de se faire entendre dans un total brouhaha qui est beaucoup moins exotique que celui de la place Jamaa El Fna, et qui fait d’ailleurs tout son charme.
Pour revenir au fameux mélange dont j’ai parlé plus haut, il y a un autre aspect encore plus chaotique que le reste, c’est le nombre incalculable de stands de barbus à faire hérisser les poils aux plus chauves. Je ne les ai pas trop approchés, mais je suis persuadé que les bouquins qu'ils vendent ne sentent pas que le musc.
Tout cela pour dire qu’il est temps que cet événement qui est, je crois, à sa 26e édition, soit complètement remis en cause non pas sur son principe, mais sur sa finalité souhaitée et surtout sur l’inefficacité de cette finalité.
En effet, je ne crois pas un instant que ce Salon, du moins tel qu’il a été organisé ici jusque-là, va contribuer, même pas pour un petit chwiya, au développement de la lecture dans notre pays.
D’ailleurs, j’aimerais bien que les organisateurs, à commencer par le ministère de la Culture et ses partenaires et complices les éditeurs et les éditrices, nous donnent un bilan chiffré de cette hypothétique et bien improbable évolution.
Tout ce que je sais, c’est que mes concitoyennes et mes concitoyens ont beau visiter tous les ans ce Salon d’un autre temps, ils achèteront toujours de moins en moins de livres et les liront encore moins.
Avant de finir cette chronique qui, j’en conviens, n’est pas très drôle, je voudrais dire que je suis convaincu que seule l’école est à même de créer et développer le désir de lire. Et c’est pour cela que moi, l’impie notoire, je voudrais prier pour tous nos chers maîtres et nos chers professeurs qui nous ont tant fait aimer les livres et adorer la lecture. Quant aux autres...!
Maintenant, je n’ai plus qu’à vous dire:"Vivement un enseignement plus éclairé et plus éclaireur et des enseignants plus motivés et plus exemplaires!". Et vivement mardi prochain!