Alors que débute la saison des vacances et que la douceur du farniente devrait succéder à une année éprouvante à bien des égards, c’est un autre sentiment qui s’empare de bon nombre de Marocains: l’humiliation. Car après avoir entrepris de se lancer dans la course au visa dans l’espoir de passer des vacances hors des frontières marocaines, c’est à un refus cinglant que bon nombre d’entre nous se sont exposés. Sans raison aucune.
Ce «NON» catégorique et sans appel qu’on vous renvoie à la figure comme un camouflet bien que vous remplissiez toutes les conditions nécessaires pour avoir droit à la liberté de circulation –qui devrait être un droit pour tous– est proprement insupportable.
En 2021, si 157.100 demandes de visa Schengen ont été enregistrées, ce qui place le Maroc dans le top 5 des pays où le plus grand nombre de demandes est déposé, 27,6% d’entre elles ont été rejetées (à hauteur de 35% pour la France et de 31% pour la Belgique), un taux supérieur à la moyenne mondiale des rejets de demande de visa de ce type, située à 13,5%. Pourtant, en raison de la pandémie du Coronavirus, le nombre de ces demandes a considérablement baissé, car en 2019, on enregistrait 705.293 demandes de visa Schengen déposées par des Marocains. Mais il faut croire que cette baisse drastique ne suffit pas.
Sans compter qu’aux conditions qu’il faut prétendument remplir pour se voir attribuer le précieux sésame s’ajoute, depuis la pandémie, le type de vaccin que l’on vous a administré, certains d’entre eux, notamment Sinopharm, n’étant pas reconnus par l’Agence européenne des médicaments (AME). De quoi ajouter un filtre de plus à ce travail de sélection des voyageurs en fonction de leur provenance, en l’occurrence l’hémisphère sud.
Relégué à une catégorie de citoyen de seconde zone, indésirable, pas assez comme il faut pour aller découvrir le monde, alors même que nos étudiants marocains brillent dans les grandes écoles françaises et que la fuite de nos cerveaux profite à l’Occident, on fulmine et on rêve de ce jour où le Maroc entreprendra enfin d’appliquer la réciprocité des visas, quitte à se départir de cette qualité qu’on A-DO-RE chez nous les «gentils Marocains», notre hospitalité.
Marhbabikoum au Maroc! Alf Marhba! Bienvenue les zamis! Un thé de bienvenue? Une corne de gazelle? Un bon petit tagine?... Bien sûûûr, mais à condition de remplir un formulaire de visa, de joindre à votre dossier deux photos récentes, un passeport valide, de fournir une réservation ou un itinéraire aller-retour, une police d’assurance voyage, un justificatif d’hébergement, une preuve de moyens financiers (un relevé bancaire, une lettre de parrainage ou les deux, c’est comme vous voulez les zamis), une preuve des frais de visa payés (qu’on ne vous remboursera pas si votre demande est refusée, cela va de soi), et tout autre document que l’on jugera bon de vous demander en plus de ceux susmentionnés en fonction de votre statut d’emploi…
Comment ça, ça fait beaucoup? Mais attendez, ce n’est pas fini! Contrat de travail, relevé bancaire des six derniers mois, déclaration de revenus, licence commerciale, preuve d’inscription pour les étudiants, un relevé de pension des six derniers mois pour les retraités, etc. Comment ça, un week-end de vacances ne nécessite pas autant de paperasse? Vous vous indignez, vous rechignez, vous ruez dans les brancards, vous protestez, vous criez en plus au scandale? Mais si vous n’êtes pas d’accord, circulez et allez voir ailleurs si on y est! Eh oui, venir au Maroc, ça se mérite, les zamis, et c’est pas donné à tout le monde!
En attendant ce grand jour, à nous de choisir autrement nos destinations touristiques, à nous de promouvoir notre tourisme national, d’encourager nos enfants à étudier dans les grandes écoles marocaines, de leur faire aimer leur pays suffisamment pour vouloir y rester et le rendre meilleur et de tordre enfin le cou à ces relents postcolonialistes absolument intolérables en 2022 –qui nous font encore croire à un Eldorado situé dans l’hémisphère nord et à chercher notre valeur dans les yeux de l’autre.