Peu importe le camp qu’on soutient, le Russe ou l’Ukrainien, et les motivations qui nous poussent à revendiquer ce choix, depuis le début du conflit entre les deux voisins de l’Europe orientale, le manque d’objectivité de la presse occidentale, et désormais, de Méta (ex-Facebook) a de quoi inquiéter l’opinion publique mondiale.
Avec le bannissement de l’Union européenne des médias Sputnik et RussiaToday (RT),financés par la Russie, et ce, afin d’empêcher la propagation de ce que la Commission européenne qualifie de «désinformation toxique et nuisible», la narration de cette guerre adopte un seul point de vue, celui de l’Ukraine, et quand bien même ce pays subit une agression militaire russe condamnable, le récit à sens unique du conflit est de plus en plus dérangeant. Le fait que les médias occidentaux accordent ainsi une tribune libre, incontestée et incontestable à l’Ukraine sans pour autant relayer également la position russe, relève d’une démarche résolument partiale qui rompt, de façon décomplexée, avec la restitution des faits.
Car d’un côté comme de l’autre, la machine à fabrication de fake news et de vidéos truquées va bon train. De part et d’autre, on grossit le chiffre des victimes et des ennemis tombés sur le champ de bataille, on crée des héros qui n’existent pas, on détourne des images de leur contexte… Tout est bon pour tisser la trame d’une narration qui serve à écrire une page victorieuse de l’histoire, quitte à faire des entorses à la vérité. Soit, c’est de bonne guerre dirons nous. Mais on ne le sait que trop bien aujourd’hui: la guerre est aussi et surtout médiatique. De ce point de vue-là, on peut dire objectivement que la campagne de la Russie en Ukraine tourne à la débâcle sur le front de l’information.
Mais ce qui s’avère encore plus dangereux aujourd’hui que cette histoire biaisée, qui s’écrit sous nos yeux, c’est la décision de Meta d’assouplir son règlement en matière d’appel à la violence et au meurtre. Les abonnés de Facebook et Instagram peuvent donc aujourd’hui, librement, et sans risquer de voir leur profil banni ou leurs commentaires supprimés, poster des messages appelant à des violences contre l’armée russe ou à des appels au meurtre contre des dirigeants russes.
Cet assouplissement des règles, confirmé par le groupe américain et rapporté par l’agence de presse Reuters, a été mis en vigueur en Ukraine, mais aussi en Pologne, en Roumanie, en Slovaquie, en Géorgie et en Lituanie. «Il s’agit d’une mesure temporaire pour permettre la libre expression de personnes faisant face à une invasion» militaire, a expliqué un porte-parole de Meta.
Mais la liberté d’expression a bon dos et ne saurait en aucun cas cautionner une telle décision. Taxée d’entreprise «terroriste» par la Russie qui a stoppé l’utilisation de Facebook, Instagram et WhatsApp sur son territoire, Meta inquiète également l’ONU, de par cette décision sans précédent. «C’est très clairement un sujet très, très complexe, mais qui soulève des inquiétudes en matière de droits de l’homme et de droit humanitaire international» a concédé Elizabeth Throssel, porte-parole du Haut Commissariat aux droits de l’homme. Et pour cause, le peuple russe, déjà frappé par les sanctions internationales, est désormais cloué au pilori de la vindicte populaire sur les réseaux sociaux.
Mais après avoir assuré que l’ONU allait «encourager Meta à regarder de plus près les dégâts qui pourraient accompagner ce changement de politique», la porte-parole a toutefois reconnu que «dans un conflit en cours, appeler à la violence contre ceux qui sont directement engagés dans les hostilités pourrait ne pas être prohibé».
Déjà entachés par la désinformation à laquelle ils participent, les réseaux sociaux, en intervenant ainsi ouvertement dans un conflit, deviennent ainsi une arme de guerre, capable de beaucoup de dégâts et de victimes dans le monde réel. Cette décision inédite de Meta devrait inquiéter le monde entier, et nous interroger, nous autres utilisateurs, sur la manipulation de l’opinion publique par cette firme et son emprise grandissante sur des questions sécuritaires et politiques.








