«ADN» est le cinquième film de Maïwenn, une réalisatrice française qui, avec ce film, a enfin réussi à retrouver ses racines algériennes.
Ce film m’a bouleversé. Simplement parce que l’héroïne part des derniers jours de son grand père, malade d’Alzheimer, survivant dans un Ehpad, un établissement où l’on attend la mort, à 3000 euros par mois.
Réunis autour de cet homme, immigré en France dans les années soixante, aimé et qui avait incarné la colonne vertébrale de la famille, les enfants, petits-enfants, affrontent, chacun à sa façon, la question de l’appartenance, le problème des origines et des racines. La disparition de cet homme, symbole d’une histoire tumultueuse entre la France et l’Algérie, est le point de départ d’une remise en question de toute une famille.
Qui suis-je? Français, Algérien, apatride, musulman, laïc?
Malgré le chagrin et la douleur suscités par la mort de ce grand père, son enterrement prend des allures de comédie au point où l’ex-petit ami de Neige, incarnée par Maïwenn, dit: «cet enterrement a été superbe, ça donne envie de mourir».
A partir de là, Maïwenn nous montre la complexité des relations, père-fille, mère-fille, frère-sœur, ce qui l’amène à se faire faire son ADN; elle découvre qu’elle est un peu d’origine ibérique, un peu algérienne, un peu asiatique du côté de son père, un homme qui parle peu et n’a aucun sentiment paternel.
Ses relations, aussi bien avec sa mère (Fanny Ardant), qu’avec son père, sont exécrables. Impossible de se parler, horrifiée que sa mère la touche, scandalisée que son père soit si cruel, si absent et cynique, elle finit par se prendre en charge et franchit le pas en se rendant au consulat d’Algérie à Paris et dépose un dossier pour acquérir la nationalité algérienne.
Une fois obtenue, elle fait répéter en arabe le fonctionnaire du consulat «je suis devenue algérienne». Le film se termine sur Maïwenn qui avance dans la foule des manifestants du Hirak, dans les rues d’Alger. Des centaines de milliers d’Algériens manifestent dans le calme et la dignité contre un régime impopulaire, ne voulant pas entendre les clameurs du peuple.
L’émotion suscitée par ce film vient du fait que la réalisatrice n’a pas triché. La réalisatrice a suivi ce qu’elle a vécu en 2017, au moment de la mort de son propre grand-père qu’elle adorait par-dessus tout. Cette sincérité a servi le film au point où le spectateur se sent concerné de façon quasi-directe.
La recherche des origines a toujours été une aventure hasardeuse, susceptible de mal tourner. Cette question est présente dans beaucoup de familles dont les parents ou les grands-parents ont émigré en France dans les années cinquante-soixante. La troisième génération, celle née en France, de parents eux-mêmes nés en France, voudrait savoir ce qui reste des origines de la famille dans son ADN.
Lors de la préparation des funérailles du grand-père de Neige, les petits enfants se demandent s’il faut organiser un enterrement musulman ou laïc. L’un dit: «mon grand-père était musulman, même s’il ne pratiquait pas, il faut respecter cette dimension chez lui», un autre dit: « il n’avait rien à faire de l’islam, foutez-lui la paix».
Finalement, le grand-père sera incinéré, les cendres seront gardées par Neige. Au Maghreb, en islam, l’incinération n’est pas autorisée. En tout cas, il n’existe pas de crématorium à côté des cimetières.
La solution de l’incinération a mis tout le monde d’accord. Mais le cercueil a été recouvert par le drapeau algérien. Un moment où Maïwenn a rappelé les manifestations du 16 octobre 1961 où des dizaines d’Algériens ont été jetés par la police française dans la Seine.
ADN est un film qui remet les choses à leur place. La guerre d’Algérie, une tragédie qui est toujours dans les mémoires. Ce sont aujourd’hui les petits-enfants de ces hommes et femmes qui ont tant souffert durant cette guerre et au-delà, qui prennent la plume ou la caméra et visitent les blessures encore ouvertes. C’est en ce sens qu’ADN est un film important, à voir et à méditer.