Bientôt le bout du tunnel!

Famille Ben Jelloun

ChroniqueMais je ne vais pas vous raconter ce que vous vivez tous les jours. Je voudrais juste vous communiquer un peu d’optimisme. Oui, le bout du tunnel est là. La fin du cauchemar aussi. L’année 2020, une «année de merde» s’en va.

Le 07/12/2020 à 11h01

Un ami m’a envoyé la liste des cinquante médecins marocains morts, victimes du Covid. J’ai compté trois femmes dans cette liste. Cinquante médecins dont le directeur d’un grand hôpital, des professeurs, des généralistes, emportés par ce virus qui ne fait pas de distinction entre riches et pauvres, ancien président de la république et simple agent de la circulation.

Pour notre pays, cinquante médecins est un chiffre énorme.

L’air de Paris en ce moment est lourd. J’imagine que celui de Casa ou de Marrakech, malgré le soleil, est lui aussi, pesant et maussade. Un mal domine la planète. Certaines personnes perdent patience et sombrent dans des dépressions. Une angoisse née d’une peur normale règne sur les esprits. On parle de tunnel, de cauchemar, de malédiction. La vie est mouvement. Là, elle est réduite, bloquée, figée.

Mais je ne vais pas vous raconter ce que vous vivez tous les jours. Je voudrais juste vous communiquer un peu d’optimisme.

L’arrivée imminente des vaccins va nous permettre de mieux respirer et même, si tout se passe bien, de reprendre une vie normale. Une vie avec ses bruits et ses fracas.

Nous allons de nouveau voyager, consommer, acheter des choses dont on n’a pas besoin, donner libre cours à notre égoïsme et profiter de la vie avec gourmandise. Oublier la noirceur du tunnel et aller de l’avant.

La «normalité» sera bientôt de retour, les embouteillages, l’agressivité, le manque de civisme aussi.

Le naturel reviendra au galop. Quelle chance! On va enfin retrouver nos mauvaises habitudes auxquelles on tient tant. On jettera les immondices sur les trottoirs; on brûlera les feux rouges, on ne s’arrêtera pas au Stop, sur l’autoroute, on dépassera la vitesse autorisée, on glissera un billet parmi les papiers de la voiture si un gendarme nous arrête, on prendra le volant après avoir bu quelques verres de vin, on téléphonera pendant qu’on conduit, on fera tout ce qui est interdit, juste pour prouver qu’on s’est débarrassé de la «vacherie» qui nous a bloqués dans nos maisons.

Ah, nos petits et grands travers! Cela fait longtemps qu’ils sont comprimés, confinés. On va faire des bêtises et les affaires reprendront, corruption comprise.

Le vaccin chinois? Il doit être formidable, car il a déjà été utilisé sur un million de Chinois. Les laboratoires pharmaceutiques américains et européens médisent de ce vaccin tout simplement parce qu’ils ne veulent pas qu’il entre sur le marché mondial, ce qui leur fait une concurrence intolérable. L’enjeu financier est stupéfiant.

On assiste en ce moment au retour de «la guerre froide». La Chine a une opportunité d’élargir son champ d’influence ou du moins sa présence dans certains pays, dont le Maroc. Après tout, pourquoi pas? Si leur vaccin n’était pas sérieux scientifiquement, jamais le Maroc n’aurait commandé douze millions de doses.

J’ai lu l’intervention des médecins marocains dans la diaspora. Ils doutent et sont inquiets. Ils pensent bien faire en attirant l’attention des autorités sanitaires du pays en suggérant davantage de précaution. Mais la maison brûle! Il fallait réagir et tout le monde sait que seul le vaccin va pouvoir vaincre cette pandémie. Le risque zéro n’existant pas, le Maroc ne peut se permettre d’avoir le luxe d’attendre. La situation est grave. Plus de six mille morts (ce qui est, proportionnellement peu, par rapport à la France qui a dépassé les 52 000 décès depuis le début de l’épidémie. La population marocaine est environ la moitié celle de la française).

Oui, le bout du tunnel est là. La fin du cauchemar aussi. L’année 2020, une «année de merde» s’en va. Une faucheuse. Une perverse. Meurtrière, elle n’a épargné aucun domaine de la vie. Des artistes, des professeurs, des savants, des génies, des gens simples, des réparateurs des corps et des âmes… Sans distinction, la moisson a été lourde et douloureuse.

Bien sûr, cela donne à réfléchir. Des journalistes posent des questions sur ce qui va changer dans notre futur. Rien. Et ce n’est pas moi qui le dis. C’est Spinoza: «Toute chose (tout être) selon sa puissance s’efforce de persévérer dans son être» (L’Ethique). Autrement dit, fondamentalement, on ne change pas.

Bonne chance au vaccin!

Par Tahar Ben Jelloun
Le 07/12/2020 à 11h01