La récente polémique autour de la sculpture d’Amigo, dite des «poissons-pénis», déboulonnée d’un rond-point de Mehdia, coïncide dans le temps avec des expositions ayant provoqué l’étonnement du public et aussi l’admiration de certains directeurs de musées.
Un artiste italien, Maurizio Cattelan, a exposé à Miami Beach une banane scotchée au mur, une vraie banane qu’il faut entretenir et remplacer tous les six jours. Cette «œuvre» a été vendue à 120 000 dollars! Achetée par un grand musée de New York, le fameux Musée Guggenheim, connu pour sa rigueur et son niveau d’excellence.
Un autre artiste, mexicain, a exposé une sculpture constituée de plusieurs tortillas (elles ne sont pas en plastique, mais ce sont de vraies tortillas composées de pommes de terre et d’œufs, tout à fait comestibles!).
Kader Attia, un Algérien, a exposé une représentation d’une ville algérienne à l’échelle de semoule qu’on utilise pour faire le couscous. Là, aussi, il faut de l’entretien de cette «œuvre vivante» et éphémère.
Cela nous amène à nous poser la question: c’est quoi l’art? Chacun a sa définition, mais en général on s’entend sur un minimum de sens.
Lorsqu’en 1917, Marcel Duchamp a exposé un urinoir inversé, intitulé «Fontaine», la presse de l’époque a crié au scandale. N’empêche, ce bidet détourné de sa fonction fait partie aujourd’hui de la collection du Musée Pompidou.
L’art moderne était né. La modernité consiste alors à isoler un objet de la vie quotidienne et l’installer dans un cadre qui ne correspond en rien à sa fonction. A partir de là tout est possible. Le déplacement du sens, devient de fait, une création artistique. A prendre ou à laisser.
En ce moment, la galerie Kamal Mennour (rue Saint-André-des-Arts, Paris VIe) expose un jeune artiste algérien, Mohamed Bourouissa. L’exposition consiste en une moquette jaune sur laquelle sont posés trois pots d’arbustes. Sur les murs quelques dessins d’herbier à l’ancienne. C’est tout. Chaque pot aurait été vendu à 5000 euros.
Allez comprendre le sens de ce genre d’exposition. L’art, c’est souvent de la provocation. L’an dernier, le monde entier a été sous le choc en assistant à la destruction d’une œuvre de Banksi, vendue à 1,2 million d’euros. L’œuvre a été accompagnée d’une citation de Picasso: «Quel plaisir de détruire pour recommencer».
Il n’y a pas de logique dans ce genre de manifestation. Celui qui a acheté l’œuvre détruite, a acheté du vent, en fait il a acheté le parfum du scandale.
Je ne porterai pas de jugement sur le travail d’Amigo, que je n’ai pas vu, lequel proteste parce que sa sculpture n’était pas achevée.
En plein centre de Milan, est exposé un ensemble de tuyaux métalliques d’une laideur incontestable. C’est l’œuvre d’une artiste italienne connue. Chaque fois que j’ai fait remarquer à mes amis italiens qu’elle est laide, on m’a répondu que c’est de l’art, ça plaît ou ça déplaît.
Alors, il n’y a plus rien à dire.
La provocation a été l’enfance de l’art. Provoquer, c’est bousculer les habitudes, changer les repères, inverser les sens, bref, faire naître de l’étonnement et aussi de la réflexion qui nous pousse à remettre en question nos certitudes et nos préjugés.
L’affaire de la sculpture d’Amigo est à situer dans cette catégorie où l’on se demande: «est-ce cela l’art?» Et bien sûr, on n’a pas de réponse. Reste que la liberté de création est fondamentale. Celle du goût aussi.