Pour comprendre un autre aspect des origines de la guerre que mène Poutine contre les Ukrainiens, il faut se rappeler le rôle déterminant qu’il a joué en Syrie dès l’année 2012. Bachar al-Assad ne serait pas aujourd’hui encore au pouvoir si Poutine ne l’avait soutenu concrètement en intervenant militairement contre les rebelles dans diverses localités de Syrie.
Les avions de Poutine ont bombardé des populations et tué des milliers de Syriens à la satisfaction du dictateur Bachar, massacreur de son peuple.
Le 20 août 2012, Barak Obama avait averti le régime Assad «que le moindre mouvement ou emploi d’armes chimiques auraient d’énormes conséquences et constitueraient une “ligne rouge“». Si cette dernière était franchie, Obama avait menacé «d’une possible intervention militaire».
Cette position avait été approuvée par le premier ministre britannique David Cameron ainsi que par François Hollande, lequel avait déclaré que «l’utilisation des armes chimique serait une cause légitime d’intervention directe».
Bachar, conseillé et aidé par Poutine, avait fait la sourde oreille et n’avait pas hésité à tuer des familles dans leur sommeil en utilisant cette arme terrible. C’est ce qu’il avait fait à la Ghouta orientale, à Adra et à Douma. Le 21 août 2013 eut lieu l’attaque chimique la plus meurtrière dans la banlieue de Damas (Jobar, Zamalka, Ain Tirma, et Hazza).
Ni Obama, ni Cameron ni Hollande ne bougèrent.
La voie était dès lors libre pour Poutine de lancer ses avions et de bombarder Alep et d’autres localités qui résistaient encore à Bachar.
L’absence de réactions des puissances occidentales avait permis à Poutine de revenir sur la scène du Proche-Orient, lui qui n’avait pas été consulté par la Américains quand ils décidèrent d’intervenir en Irak, ni par les Français quand ils avaient envoyé leurs avions en Libye.
Aujourd’hui, il redéfinit les frontières de son empire. Les protestations, ainsi que les sanctions ne le détourneront pas de son objectif. Il avance, fonce en croyant avec force à ses théories les plus absurdes.
Poutine n’est pas fou. Le fou est celui qui ne sait pas ce qu’il fait. Or Poutine a un plan et il le suit avec constance et précision. Joe Biden vient de déclarer qu’il est «un criminel de guerre». Une accusation grave, dont les conséquences devraient être la comparution de Poutine devant un tribunal. Le Tribunal pénal international n’a été reconnu ni par les Américains ni par les Russes. Seuls les Européens pourraient prendre l’initiative de lui faire un procès, chose dont il se moque éperdument. Comme le dit Rony Broman, «pour que ça soit crédible, il faut d’abord juger G.W. Bush».
Par ailleurs, une guerre de la communication fonctionne assez bien en Russie où les Ukrainiens sont considérés comme des agresseurs, même quand les avions russes bombardent une maternité ou un théâtre abritant des civils dont des enfants.
Le seul fait qui pourrait arrêter Poutine dans son aventure meurtrière, c’est une opposition de son peuple, une opposition qui s’exprime modestement, avec courage. L’attitude ferme des Européens et des Américains ne le gêne pas tellement. Certes les représailles économiques sur lui, son entourage et aussi toute la Russie font surtout mal aux populations pauvres. Comme à l’époque de Saddam, ce fut le peuple irakien qui a souffert le plus de l’embargo mondiale contre l’Irak.
La guerre se poursuit et l’Europe a peur.
De retour du Maroc, nombre d’amis m’ont posé cette question: «comment réagit le citoyen marocain à cette guerre?». Je les ai déçu en leur disant qu’actuellement la préoccupation principale des Marocains, c’est l’attente de la pluie. La position officielle est celle de la neutralité et la recherche de la paix.
Il règne en France un sentiment d’angoisse et de peur. La menace du recours à l’arme nucléaire faite par Poutine au début de la guerre est prise au sérieux par beaucoup de monde. La campagne pour la présidentielle a été torpillée par cette guerre. C’est la première fois que l’Europe se trouve unie face à un danger réel dont les conséquences collatérales sont redoutées par les citoyens.
Ah… Si Obama avait mis à exécution ses menaces contre Bachar, peut-être que Poutine n’aurait pas envahi l’Ukraine…