Gagner la Coupe du monde aurait relevé du miracle, avec toute la magie et la féérie que cela implique. S’en approcher, l’effleurer mais sans pour autant la soulever relève, pour le coup, du registre de la tragédie grecque. Celle d’un Sophocle, d’un Euripide, ou en l’occurrence d’un Walid Regragui et de tout un peuple, soudé derrière son équipe nationale.
Bien entendu, personne ne peut se réjouir de cette défaite face à l’équipe de France, si ce n’est Abdelmadjid Tebboune et ses acolytes, qui peuvent enfin respirer, après l’omerta médiatique imposée par le régime algérien à ses médias, concernant l’épopée marocaine durant cette Coupe du monde. Le risque d’un AVC était devenu trop critique du côté d’El Mouradia. En même temps, et il est important de le mentionner, des millions de nos frères algériens ont été contraints de soutenir en catimini leurs frères marocains.
Ainsi, si se réjouir de cette défaite sportive relève du masochisme, il est cependant possible pour chacun de nous de la sublimer, et d’en faire le début de quelque chose de plus grand et de plus durable. D’ériger ces victoires sportives flamboyantes en de nouvelles exigences, tous azimuts. Sur les champs économique, éducatif, scientifique. Car si nous finirons, espérons-le, troisièmes dans cette Coupe du monde, quel est notre classement en termes d’indice de développement humain? De PIB? De nombre de brevets déposés? D’innovations?
Je sais que ces questions dérangent, et que beaucoup préfèrent les mettre sous le tapis en disant: «Arrêtez de jouer au rabat-joie et laissez-nous savourer nos victoires et notre nouvelle grandeur sportive». Certains ont prêté à ces matchs un caractère géopolitique et historique. Une sorte de revanche contre l’ancien colon. Les noms de personnages historiques comme Tariq Ibn Ziyad ou encore Youssef Ibn Tachfine ont été évoqués sur les réseaux, et pas toujours dans une perspective humoristique ou sarcastique.
Certains sont même allés jusqu’à dire qu’«il faut absolument battre ces kouffars (mécréants)» avant le match contre l’Espagne. Là, ça relève littéralement du registre pathologique, où le foot devient simplement une sorte d’exutoire et de canal d'évacuation de diverses frustrations et de complexes d’infériorité refoulés.
Mais heureusement, la majorité des Marocaines et Marocains ont été dignes dans leur manière de supporter notre sélection nationale, en ne perdant jamais de vue qu’il s’agit avant tout d’un sport.
De même, souvent perçu comme un sport masculin autant sur le terrain que dans les terrasses de café lors des matchs, cette Coupe du monde a été aussi l’occasion de découvrir de manière explicite que désormais, le soutien à notre sélection nationale est autant féminin que masculin. Car désormais, il est tout simplement marocain, par-delà le sexe, l’âge ou la catégorie sociale, n’en déplaise à certains prédicateurs qui n’ont pas raté l’occasion de fustiger une présence jugée trop visible des femmes dans les cafés lors des matchs, ou dans les rues lors des célébrations.
Quoi qu'il en soit, sur le terrain du foot comme sur d’autres terrains (diplomatique, économique, sociétal, etc.), le Maroc change, le Maroc bouge, et le Maroc continue d’avancer contre vents et marées.
Pour conclure, le match d’hier est certes une défaite, mais «une défaite aux allures de victoire».