De la laideur de nos villes…

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ChroniqueCertes, quelques exceptions existent. Ifrane, Rabat, Marrakech, etc. ne sont cependant là que pour confirmer la règle. C'est à dire l’absence de goût, de politique urbaine ambitieuse et de canons esthétiques marocains pour nos villes.

Le 03/11/2022 à 11h30

Disons-le franchement, à quelques exceptions près, nos villes sont profondément laides. Nous sommes souvent confrontés à des bâtiments cubiques ou rectangulaires sans âme, à la façade souvent grisâtre ou jaunie par la poussière autant que par le soleil. Ils sont systématiquement alignés les uns à côté des autres, dans une forme de copier-coller architectural qui semble se reproduire à l’identique dans chaque nouvelle extension de nos villes.

Ou encore, nous rencontrons ici et là des bâtiments dits «modernes», prenant la forme d’un tas de ferrailles, recouvert d’une façade vitrée en guise de fenêtres pour les bureaux, produisant un effet de serre propice à la culture des tomates, et qui, sans la climatisation, en ferait un endroit invivable, ou inexploitable comme on dit aujourd’hui.

Le tout, séparé par des rues ou des ruelles, des fois jonchées d’ordures de toutes sortes, avec des trottoirs qui font des fois un mètre de largeur, voire moins quand des cafés expansionnistes décident en toute impunité d’étendre leur espace vital au-delà de ce que permet la loi.

Je suis conscient que je suis un tantinet trop sévère. Je le suis aussi parce que c’est douloureux d’admettre que les quelques bâtiments encore esthétiquement présentables, que l’on peut trouver dans une métropole comme Casablanca, sont souvent l’héritage de la période du protectorat.

Sinon, il faut se réfugier dans les médinas ou au milieu de nos vestiges historiques, pour ne pas dire ruines, pour retrouver une âme culturelle et architecturale. Une civilisation ne peut architecturalement exister que dans des ruines.

Certes, quelques exceptions existent. Ifrane, Rabat, Marrakech, etc. ne sont cependant là que pour confirmer la règle. C'est à dire l’absence de goût, de politique urbaine ambitieuse et de canons esthétiques marocains pour nos villes.

Car on peut difficilement se revendiquer d’une civilisation millénaire quand cet enracinement culturel ne rejaillit pas à travers nos villes.

Rappelons que le terme civilisation vient du latin «civitas», qui englobe tout ce qui est en rapport avec la «cité», autrement dit, la «ville» dans sa dimension humaine et culturelle. Soit l’ensemble des citoyens, leurs droits et obligations et la citoyenneté en tant que telle. Il en va de même pour le mot arabe «hadara».

Rappelons également que la ville ne saurait être un simple «environnement», puisqu’elle doit avant tout être un «milieu». La différence est de taille! Car là où l’environnement est extérieur à nous et peut par conséquent être hostile, le milieu est sécurisant et nous habite autant qu’on l’habite.

L’éternité n’est plus notre horizon architectural comme pour nos ancêtres. Désormais, c’est la rentabilité et le prix du mètre carré.

La faute incombe à qui ou à quoi? Au manque de raffinement de nos élus locaux? Au manque de créativité de nos architectes? A l’absence de volonté politique dans ce sens et de stratégie cohérente? Au manque de moyens? A l’impératif de rentabilité dans le secteur du bâtiment? Ou encore à la cupidité de certains promoteurs?

Il y a un peu de vrai dans chacun de ces éléments. L’heure n’est pas à la désignation de coupables, mais à la nécessité d’un éveil collectif. Autant celui des politiques que des architectes et des citoyens.

La tyrannie du béton et de l’asphalte doit céder la place à la beauté et au raffinement, qui ne peuvent être l’apanage d’une minorité bien lotie, mais la propriété collective de tout un peuple.

Croyez-moi, la beauté d’une ville rejaillit sur l’âme de ceux qui en arpentent les rues en contemplant quotidiennement les œuvres d’arts architecturales.

Comme le dit un proverbe, «toute nation a le gouvernement qu’elle mérite». Il en va de même pour l’architecture. Et sur ce plan, vu notre héritage historique, nous méritons assurément mieux!

En attendant, le «syndrome de Stendhal» ne risque pas de concerner une de nos villes.

Par Rachid Achachi
Le 03/11/2022 à 11h30