Le Fonds Mohammed VI, un «game changer»

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ChroniqueDoté de fonds propres à hauteur de 15 milliards de dirhams, le Fonds Mohammed VI pour l’investissement vise à mobiliser à terme 30 milliards de dirhams supplémentaires et générer entre 150 et 200 milliards de dirhams d'investissements.

Le 12/01/2023 à 13h19

Qualifié à juste titre de «fonds souverain», ce dernier pourrait constituer dans le contexte de crise économique actuel, un «game changer» comme disent les Anglo-Saxons.

En effet, la réunion du conseil d’administration du fonds, qui s’est tenue le 29 décembre dernier, est tombée à point nommé et vient acter l’entame de la phase opérationnelle.

L’ancien ministre de l’Economie puis ambassadeur du Maroc en France, Mohamed Benchaâboun, qui fut nommé par le roi Mohammed VI au poste de directeur général du fonds, a pour mission d’en faire le fer de lance d’une politique publique d’investissement audacieuse et efficace.

Prise de participation dans des entreprises publiques et privées, soutien aux PME, financement et accompagnement de grands projets sectoriels… Les leviers sont nombreux, les défis aussi.

Mais, puisqu’il y a toujours un «mais», il est utile de rappeler que c’est la dose qui fait le poison.

Premièrement, le contexte. Car il est très compliqué, voire contre-productif, de se lancer dans une dynamique massive d’investissement dans un contexte d’inflation galopante. Le risque étant de contribuer à nourrir cette dernière, en injectant massivement des liquidités dans le circuit économique, au moment même où la demande se contracte et où les entreprises n’ont presque aucune visibilité ne serait-ce qu’à court terme.

Un investissement productif n’a de sens que quand des débouchés existent. L’idée de Jean-Baptiste Say selon laquelle «l’offre crée sa propre demande» relève davantage d’un mythe que d’une réalité éprouvée.

Ainsi, penser une politique de soutien à la demande, notamment par une refonte de l’impôt sur le revenu en l’abaissant, devrait être un préalable à toute politique de relance de la production.

Deuxièmement, le contexte international. Car le fait est que notre principal partenaire économique est, et sera encore pour un certain temps, l'Europe. Or, cette dernière semble se diriger tout droit, si ce n’est déjà le cas, vers une récession économique majeure, en raison de l’inflation et des conséquences économiques désastreuses des sanctions imposées à la Russie. Qui dit récession en Europe dit moins d’importations de produits au Maroc.

Troisièmement, le récent signal, peut-être subliminal, de Bank Al-Maghrib, qui laisserait entendre que cette dernière pourrait, peut-être, se mettre à racheter des bons du Trésor sur le marché secondaire. Pour le dire plus simplement, notre banque centrale pourrait se mettre indirectement à prêter à l'exécutif. Une perspective qui ne serait, là encore, pas de bon augure dans le contexte inflationniste actuel.

Ce n’est donc peut-être pas forcément le meilleur moment d’investir massivement dans l’économie.

Cependant, le Fonds Mohammed VI constitue indéniablement un atout majeur de souveraineté. Son existence signifie que quoi qu’il arrive, nous possédons un matelas financier confortable pour passer le cap en cas de crise. De quoi nous amener à être particulièrement prudents et parcimonieux dans l’usage qui en sera fait.

Ainsi, une plus grande indépendance de ce fonds vis-à-vis du gouvernement est vitale pour la réussite des missions fixées. Car les temporalités ne sont pas les mêmes. Celle du fonds est stratégique et de longue durée. Celle du gouvernement est cyclique et politicienne.

Heureusement que nous avons, grâce au choix de Sa Majesté, la bonne personne, au bon endroit et au bon moment, pour veiller à une efficacité maximale. Car si Mohammed Benchaâboun a certainement beaucoup de qualités, trois d’entre elles nous intéressent particulièrement: la sobriété, le pragmatisme et l’efficacité.

Il ne nous reste qu’à espérer que certaines personnes ou des groupements d’intérêts ne lui mettent pas des bâtons dans les roues, ou la pression pour orienter l’usage de ce fonds, à des fins politiciennes, prenant ainsi en otage l’intérêt général.

Par Rachid Achachi
Le 12/01/2023 à 13h19