2023: nous faudra-t-il attendre «Grandayzar»?

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ChroniqueLe marasme économique est désormais le lot de tous et les mots «déficit», «cherté», «inflation» et «pénuries» ont définitivement intégré le vocabulaire du citoyen lambda, devenu économiste malgré lui. Comme dit un adage arabe à connotation euphémistique: «Ida ‘amat, hanat» (Si ça se généralise, alors ça se normalise).

Le 29/12/2022 à 11h13

L’année 2022 fut incontestablement une année tragique, au sens grec du terme. Guerre en Ukraine, dissémination d’une inflation vigoureuse à l’échelle mondiale, flambée des prix des hydrocarbures, sécheresse au Maroc évitée de justesse grâce aux récentes pluies, mort de la reine Elizabeth II que l’on commençait à croire immortelle, retour triomphant de Lula au Brésil après être passé par la case «prison»… Heureusement qu’il y a eu aussi la Coupe du monde au Qatar, qui fut l’occasion d’une épopée triomphante de notre sélection nationale et qui fait que nous abordons l’année 2023 avec un esprit de «winner», mais avec une situation macroéconomique de «looser», il faut bien l’admettre.

Cependant, nous ne sommes pas les seuls. Le marasme économique est désormais le lot de tous et les mots «déficit», «cherté», «inflation» et «pénuries» ont définitivement intégré le vocabulaire du citoyen lambda, devenu économiste malgré lui. Comme dit un adage arabe à connotation euphémistique: Ida ‘amat, hanat («Si ça se généralise, alors ça se normalise»).

Les chantiers qui attendent le Maroc en 2023 sont nombreux et ardus.

Sur le plan international, nous aurons toujours à gérer (c’est devenu une habitude) les gesticulations et provocations de la junte algérienne, que je distingue du peuple algérien frère. Rien de nouveau sous le soleil de ce côté-là. De même, nous aurons à composer avec la fourberie et le double jeu de certains «partenaires» européens quant à la question du Sahara marocain. Du côté du conflit russo-ukrainien, nous serons amenés à maintenir ce jeu subtil d’équilibriste qui nous a évité jusqu’à présent de nous faire inutilement des ennemis de part et d’autre.

Mais c’est sur le plan national que les défis seront nouveaux et plus intéressants.

Premièrement, le chantier social, qui va de la généralisation de l’AMO à la préservation, ou plutôt au sauvetage, du pouvoir d’achat des citoyens. L’inflation ne semble pas s'essouffler et il faudra apprendre à composer avec pendant un certain temps. Quant à la marge de financement ou d’endettement de l’Etat (cela revient désormais au même en raison de notre déficit budgétaire chronique), elle semble se rétrécir jour après jour puisque nous approchons inexorablement du seuil psychologique d’endettement de 100% en équivalent PIB ; puisque le Trésor a depuis quelque temps du mal à lever les fonds nécessaires pour financer les besoins de l’Etat, en raison des taux jugés trop bas par les investisseurs.

Acheter des bons du Trésor ne semble plus être aussi lucratif qu’avant, puisqu’en raison d’un taux d’inflation supérieur au taux rémunérateur des bons du Trésor, le taux réel de ces derniers devient de fait négatif. Autrement dit, acheter des bons du Trésor dans le contexte actuel revient à perdre de l’argent.

D’où peut-être la récente déclaration de Bank Al-Maghrib (BAM) qui sous-entend que la banque centrale pourra, peut-être, prochainement se mettre à racheter les bons du Trésor sur le marché secondaire. Pour le dire plus simplement, peut-être que BAM deviendra dans un avenir proche le nouveau créancier de l’Etat, en finançant indirectement ses déficits. Une première historique, connaissant la légendaire orthodoxie monétaire de notre chère banque centrale.

Sur un autre registre, juridique cette fois, les diatribes et envolées lyriques de notre ministre Abdellatif Ouahbi ont fini par en lasser plus d’un. Désormais, les gens attendent un passage à l’acte, soit une réforme en profondeur du code pénal afin de le mettre en conformité avec notre réalité présente. Amender ou abroger les lois anachroniques et délétères, et en proposer de nouvelles, ne devrait pas être si compliqué que cela, vu la très large majorité dont jouit le gouvernement actuel. Alors Mesdames et Messieurs, trêve de querelles byzantines et passez désormais à l’acte.

Concernant l’éducation, la temporalité est malheureusement toute autre, vu l’immensité du chantier et le cumul d'erreurs faites par le passé. Mais notre ministre de l’Education, Chakib Benmoussa, fait heureusement partie de ces ministres qui travaillent en silence et avec efficacité, loin de toutes les polémiques et joutes verbales. Espérons que cela continue ainsi et que nous pourrons commencer à récolter les fruits de ces efforts dès l’année prochaine.

Quant au secteur de la santé, autre grand chantier, les choses n’évoluent pas aussi vite que l’on voudrait, puisque selon notre ministre Khalid Aït Taleb, seul Goldorak, «Grandayzar pour les intimes», peut faire mieux que le ministère de la Santé. Faut-il rire ou pleurer? Je ne sais pas.

Heureusement que sur le plan sportif, nos héros, Walid Regragui et ses valeureux guerriers, n’ont pas attendu Goldorak ou Voltron pour nous propulser au rang de quatrième puissance footballistique mondiale dans cette Coupe du monde 2022.

Par Rachid Achachi
Le 29/12/2022 à 11h13