L’affaire Brahim Saadoun, un casse-tête ukrainien

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ChroniqueEn général qualifié de «chinois», le casse-tête juridique autour de ce qui est actuellement qualifié d’«affaire Saadoun» semble bien être ukrainien.

Le 16/06/2022 à 11h01

Mais avant d’aborder le sujet de la manière la plus factuelle possible, il est important de rappeler qu’on ne peut même pas imaginer la tragédie que vivent actuellement ses proches, qui n’y sont certainement pour rien dans les décisions aventureuses et irréfléchies de leur fils. On ne peut, sur ce plan, qu’être solidaires avec eux, et espérer le dénouement le moins dramatique possible dans cette affaire.

Tout commence au mois d’avril, lorsqu’une vidéo publiée par un célèbre journaliste de guerre russe du nom d’Alexandr Sladkov, fait état de l’arrestation de Brahim Saadoun, dans la région de Marioupol, selon certaines sources. Rappelons qu’avant le conflit, le jeune Marocain étudiait la technologie spatiale à Kiev, avec une bourse confortable de 900 $, vu le faible pouvoir d’achat en Ukraine.

Revêtu d’un uniforme militaire ukrainien, celui de la «Morskaya Pekhota», soit l’infanterie de la marine de guerre, Brahim Saadoun affirme avoir volontairement rejoint l’armée ukrainienne en signant un contrat contre rémunération.

Cependant, il parait évident que l’argent ne fut aucunement sa motivation première, vu le montant de sa bourse cité précédemment. Dans cette première vidéo, il semble quasiment souriant en répondant aux questions du journaliste russe sans le moindre signe de peur ou de terreur, ce qui pourrait s’expliquer par le témoignage de l’un de ses amis, Dmytro Khrabstov, qui affirme que Brahim Saadoun lui aurait dit qu’il voulait «mourir en héros», et ce, bien avant l’enclenchement du conflit. Si ce témoignage est véridique, il atteste soit effectivement d’un lavage de cerveau idéologique opéré par les renseignements ou les nationalistes ukrainiens, soit d’un état psychologique anormal, voire suicidaire.

Par contre, ce qui semble être avéré, c’est que Brahim aurait obtenu la nationalité ukrainienne en 2020, ce qui, premièrement, est confirmé par son père, et deuxièmement, par le fait qu’il ait pu intégrer en tant que contractuel l’armée ukrainienne. Car pour les étrangers, un corps de volontaires a été spécialement créé, et en l’occurence, on peut parler de mercenariat, ce qui ne semble pas être le cas de Brahim.

Mais le problème réside ailleurs, puisqu’il est utile de rappeler qu’en Ukraine, la double nationalité est constitutionnellement interdite. Ainsi, obtenir la nationalité ukrainienne revient de fait à abandonner sa nationalité d’origine, quand bien même la procédure n’ait pas été enclenchée auprès des autorités marocaines. Pour Kiev, Brahim Saadoun est ukrainien et seulement ukrainien.

Ainsi, si les ONG marocaines désirant lui venir en aide veulent le faire efficacement, ce n’est ni auprès des miliciens du Donbass, ni auprès de Poutine qu’il faut le faire, mais bien auprès de Kiev, qui possède une carte majeure entre ses mains: l’échange de prisonniers.

Actuellement, environ 200 soldats russes sont retenus prisonniers par l’Ukraine. En échanger quelques-uns contre un citoyen ukrainien, en l’occurence Brahim Saadoun, ne relève pas de l’impossible. Car dans cette affaire, il ne faut surtout pas se tromper d’interlocuteur. Seule Kiev peut lui venir en aide.

Quant à l’Etat marocain, il ne peut aucunement intervenir auprès d’une entité non reconnue par la communauté internationale. Deuxièmement, peut-on toujours parler d’un citoyen marocain, vu les éléments cités précédemment?

Autre aspect problématique: le statut actuel de Brahim Saadoun.

Il est premièrement évident qu’il ne peut s’agir de mercenariat, vu sa nationalité ukrainienne, même si elle est fraîchement acquise, et vu la nature contractuelle qui le lie à l’armée ukrainienne. Par conséquent, le chef d’accusation retenu contre lui ne semble pas tenir la route, contrairement à son co-détenu britannique Aiden Aslin, qui, pour le coup, est bel et bien un mercenaire, ayant déjà combattu auparavant en Syrie dans le Rojava aux côtés des Kurdes. Le fait qu’ils aient été arrêtés dans la même région et peut-être le même jour, combiné au nom arabe de Brahim, a peut-être servi d’argumentaire pour le chef d’accusation. Mais les faits sont les faits, il n’est pas un mercenaire.

Deuxièmement, est-il un prisonnier de guerre? Et par conséquent, doit-il être protégé par la convention de Genève? La réponse évidente semble être oui, mais tout n’est pas si simple. Car ce que beaucoup ignorent, c’est qu’officiellement et, par conséquent, du point de vue juridique, la Russie et l’Ukraine ne sont pas en guerre. Aucune des deux capitales n’a déclaré la guerre pour des raisons complexes qu’on n’a pas le temps d’expliciter ici. Du point de vue de Moscou, il s’agit d’une opération militaire spéciale. Du côté de Kiev, il s’agit d’une résistance à une agression.

Autre élément qui vient accroître la complexité de l’affaire, c’est que Brahim Saadoun n’a a priori pas été arrêté par l’armée russe, mais par les miliciens du Donbass. Et puisque du point de vue international, les deux régions (Oblast) de Lougansk et de Donetsk font partie de l’Ukraine, seule Kiev peut entamer des négociations directes en vue d’organiser un échange de prisonniers.

Par conséquent, tous les chemins mènent vers Kiev, au moment même où tous ceux qui réclament l’annulation de la peine de mort prononcée à l'encontre de Saadoun regardent du côté de Moscou ou de notre ministère des Affaires étrangères.

Il est, par conséquent, peut-être temps pour les ONG marocaines ainsi que pour la famille de Brahim Saadoun d’entamer des démarches et de mettre la pression sur l’ambassade d’Ukraine au Maroc, en exigeant d’elle de demander aux autorités ukrainiennes de négocier un échange de prisonniers russes contre la libération de l’un de ses citoyens. Cette voie semble la seule qui puisse peut-être permettre le dénouement le moins dramatique possible dans cette affaire.

Un autre espoir réside dans le fait que, peut-être, la première sentence a été décrétée dans une perspective communicationnelle, celle de la propagande de guerre, en vue de marquer les esprits et de décourager toute arrivée de combattants étrangers en Ukraine. Et qu’une fois l’effet obtenu, sa peine pourra être annulée en appel, à travers un changement de son statut, de mercenaire à soldat captif.

Par Rachid Achachi
Le 16/06/2022 à 11h01

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Presque tous ici parlent de la nationalité ukrainienne de ce marocain, alors qu' on ne s'est même pas demandé est-ce vrai ou pas. Comment est ce possible en une année obtenir la nationalité d'un pays, qui aspire intégrer l'UE? On nous a fait sortir cette info, après qu'il ait été jugé coupable en mercenariat.En Ukraine même les étrangers peuvent contracter avec l'armée. Un contrat en contrepartie d'une rémunération- c'est du mercenariat pur et simple. Donc ce n'est nullement un prisonnier de guerre. J'invite les lecteurs à voir la page Facebook de ce marocain, où il se dénomme "Bryan Khatabka". Vous verrez comment il se vante d'armes et de militantisme armé pour une Ukraine naziste, et des "idéaux" loin de son origine et culture. Dommage pour un étudiant qui a préféré jouer au guerrier.

Il me semble que M. Brahim est très doué et surtout jeune, très jeune. A cet âge, penser à faire la guerre est rare ... Lui faire éviter la peine capital est ce qui me semble le plus important!

Que vous le vouliez ou non ...Brahim Saadoun reste citoyen marocain de par nos lois ..De ce fait les autorités marocaines se doivent d'intercéder en sa faveur auprès des russes ' au moins pour annuler la peine de mort

La République populaire de Donetsk est reconnue par Poutine. Lui-même a assisté la cérémonie diffusée en direct te 21 février 2022, Lui-même a signé l’acte de l’indépendance Lui-même désigne son gouverneur. « … une entité non reconnue par la communauté internationale » L’ambassade du Maroc aurait évité ce genre propos avec les Russes, si l’on espère sortir le gamin du trou où il est. Sérieusement …

si la loi ukrainienne stipule qu'obtenir sa nationalité implique perdre la nationalité d'origine du postulant, force est signaler ,que même si vous obtenez mille nationalités, pour un marocain, vous êtes toujours marocain , selon l'article 19 du code de la nationalité ( si je ne me trompe ) car seul l'État via son chef de gouvernement a le droit de l'en déposséder, par décret, de son propre chef , pour faits graves ( traîtrise, espionnage contre le Maroc etc...) et même si quelqu'un veut se débarrasser de sa nationalité marocaine, et qu'il en fait la demande ,ça ne dépend pas de lui , mais toujours de l'État ; donc ce garçon est bel et bien et toujours marocain...

Convention de Genève ? Poutine s’en moque littéralement… Mais curieux ce marocain qui se bat pour une cause qui n’est pas la sienne. Alors que les Ukrainiens se ruent dans des corridors vers Moscou et Minsk - même les jeunes, sommés par la loi de rester pour défendre leur pays, z’ barrent en catimini - lui se la joue plus catholique que le Pape. 900 $ / mois en Europe de l’Est, un tremplin pour se propulser vers l’Allemagne ou d’autres horizons, surtout qu’il a la nationalité ukrainienne. Zut ! il manque une case à ce technologue de l’espace ! Il a de la chance de ne pas tomber entre les mains de Ramzan Kadyrov, il l’aurait expédié sans procès.

Il n'empêche que le Maroc doit aussi intervenir auprès de Moscou s'il veut demontrer aux marocains que ses ressortissants MRE ont une valeur autres que celle de premier pourvoyeur de devises du Royaume. J'ajoute que la nationalité marocaine ne se perd pas et donc Brahim Saadoun reste marocain nonobstant le droit ukrainien de naturalisation.

Toujours un plaisir de vous lire MR. ACHACHI Un grand merci pour cette mise au point et vos éclaircissements quant à la situation du jeune SAADOUN. Je suis anxieuse et angoissée quant au sort réservé à notre compatriote. prions Dieu le Miséricordieux de le sauver de cette dure sentence et prions pour la paix dans le monde. Je tiens par la même occasion à exprimer toute ma compassion à ses parents et ses proches.

Si la double nationalité est interdite en Ukraine et que l'abondon de la nationalité marocaine est impossible, c'est que ce cas est Kafkaïen !!! Il n'y a que Poutine qui peut sauver ce jeune.

Les ukrainiens n’ont pas l’air concernés par son sort alors qu’il a la nationalité ukrainienne et qu’il se battait pour eux. Ce n’est pas étonnant quand on voit comment ils traitaient les étrangers qui voulaient fuir le pays. S’il a choisi de se sacrifier pour eux, en quoi cela doit nous concerner alors que des centaines de soldats marocains qui se battaient pour notre pays ont été séquestrés en Algérie en violation de toutes les conventions internationales, tortures quotidiennement dans les camps de Tindouf, certains pendant plusieurs de 20 ans, dans l’indifférence générale de nos dirigeants et de nos ONG ! Nos journalistes fermaient les yeux et prônaient au contraire le «khawa khawa » avec leurs tortionnaires, le fameux «peuple frère »…Aujourd’hui encore, les rescapés sont délaissés.

cet article concernant ce prisonnier de guerre en ukriane,montre bien que Saadoune est de nationalité ukrainienne,la loi de l'ukraine lui ôte sa nationalité d'origine,marocaine, pourquoi alors se mêler de cette affaire puisque ce soldat ukrainien combat dans les rangs de l'armée ukrainienne, bien sûr il ne perd pas sa nationalité marocaine,mais il a combattu au nom de l'ukraine,par sa nationalité acquise par son libre choix, le maroc n'est pas concerné par ce conflit,mais il subit les effets néfastes des augmentations des prix dans tous les domaines,on paie pour l'occident qui veut encercler la russie en prenant l'ukraine membre de l'otan !

Qui vous a dit que la double nationalité est interdite ???!!! Vous ne savez pas peut être qu'il y a même des ministres qui ont une double nationalité ou trois même !!! Si Brahim saadoune dispose de la nationalité ukrainienne, alors il est considéré comme prisonnier de guerre et bénéficiera d'un statut garanti par les traités internationaux. Il ne doit pas être jugé en conséquence. Il doit rester ainsi jusqu'à sa libération suite à des pourparlers entre la Russie et l'Ukraine. Sa situation doit être suivie, en attendant, parle CICR. Voilà !!

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