Le 20 mars 1956, trois jours après la date de l’indépendance, une assemblée constituante fut élue en Tunisie et Habib Bourguiba fut nommé Premier ministre.
Ce nationaliste, imprégné du discours républicain et laïc français, déclara au mois de février 1961 que le jeûne du ramadan «paralys[ait] les activités des Tunisiens et leur interdi[sait]t de combattre le sous-développement», tenta une adaptation du kémalisme* à la Tunisie. Il plaça alors l’islam sous l’autorité de l’Etat afin de le mettre sous son contrôle.
Le 25 juillet 1957, la monarchie fut abolie et la République proclamée par l’Assemblée nationale constituante, un terme étant ainsi mis à 252 ans de règne de la dynastie husseinite qui avait dirigé la Tunisie depuis 1705.
A partir de 1962, sous l’impulsion d’Ahmed Ben Salah, secrétaire général de l’UGTT (Union générale tunisienne du travail), puis ministre du Plan et des Finances, la Tunisie tenta une expérience collectiviste dont elle sortit ruinée.
Le 8 juin 1970, Habib Bourguiba opéra un virage complet. Cependant, en dépit des nouvelles orientations, la Tunisie, dévastée par l’expérience socialiste, s’enfonça dans une crise politique.
Le 26 janvier 1978 un ordre de grève lancé par l’UGTT mit des dizaines de milliers de personnes dans la rue et la manifestation tourna à l’émeute. L’armée réprima le mouvement en faisant des dizaines de victimes. Au mois d’avril 1981, Habib Bourguiba annonça le multipartisme dans un contexte de plus en plus lourd plombé par la question du non-dit de sa succession.
En 1983 et en 1984, éclatèrent de très graves émeutes. Le général Zine el-Abidine Ben Ali fut alors rappelé de Varsovie où il était ambassadeur, et nommé directeur de la Sûreté nationale. Le 23 octobre 1985, il fut nommé ministre de la Sûreté nationale, puis ministre de l’Intérieur le 28 avril 1986. Devenu Premier ministre, le 6 octobre 1987, appuyé sur l’expertise de sept médecins qui attestèrent de son incapacité mentale, le général Ben Ali déposa Habib Bourguiba.
L’accession au pouvoir du général Ben Ali qui se présentait comme le fils spirituel du père de l’indépendance, fut saluée comme une avancée démocratique. De fait, le 25 juillet 1988, il abrogea la présidence à vie, limita la présidence à trois mandats, imposa la limite d’âge de 65 ans pour les candidats aux élections présidentielles et légalisa plusieurs partis politiques.
Sous sa ferme direction, la Tunisie devint un pays moderne attirant capitaux et industries. Le pays progressa au point que 80% des Tunisiens devinrent propriétaires de leur logement.
Ce pôle de stabilité vit venir à lui des millions de touristes recherchant un exotisme tempéré par la modernité. Des milliers de patients vinrent en Tunisie s’y faire opérer à des coûts inférieurs et pour une même qualité de soins qu’en Europe.
Dans ce pays qui consacrait plus de 8% de son PIB à l’éducation, la jeunesse était scolarisée à 100%, le taux d’alphabétisation était de plus de 75%, les femmes étaient libres et ne portaient pas le voile; quant à la démographie, avec un taux de croissance de 1,02%, elle avait atteint un quasi niveau européen. 20% du PIB national était investi dans le social et plus de 90% de la population bénéficiait d’une couverture médicale.
Ces réussites exceptionnelles étaient d’autant plus remarquables qu’à la différence de l’Algérie et de la Libye, ses deux voisines, la Tunisie ne disposait que de faibles ressources naturelles.
A partir de l’année 2000, la contestation des intellectuels prit de l’ampleur à travers la grève de la faim du journaliste Taoufik Ben Brik. Puis, le 11 avril 2002, les islamistes firent exploser un camion piégé devant la synagogue de la Ghriba à Djerba et 19 personnes furent tuées, dont 14 touristes allemands.
La révolution tunisienne de 2010-2011 ne fut cependant pas déclenchée par les islamistes. Ici, comme en Egypte, ce furent d’abord des revendications bourgeoises et citadines qui mirent les foules dans la rue. Les premiers acteurs de la révolution tunisienne furent ainsi ceux qui avaient le plus bénéficié de la «greffe moderniste et laïque» et qui demandaient encore plus de liberté et de modernisme. Cependant, si la révolution a pu se produire, c’est parce que les revendications de ces «privilégiés» se sont greffées sur une profonde crise sociale cantonnée durant des années dans les régions défavorisées. Ce fut la coagulation des mécontentements qui chassa le président Ben Ali.
Le facteur déclencheur de la révolution se produisit le 17 décembre 2010, à Sidi Bouzid où Mohamed Bouazizi, un vendeur de fruits et légumes ambulant âgé de 27 ans, s’immola par le feu. Le jour même, des centaines de manifestants se réunirent pour protester. Durant le week-end, le rassemblement grossit et la police tenta, en vain, de le disperser. La situation dégénéra et se transforma en émeute puis en révolution avec une revendication clairement politique qui était le départ du président Ben Ali.
Le pouvoir fut emporté en une vingtaine de jours au terme de trois semaines de manifestations continues s’étendant à tout le pays et qui furent amplifiées par une grève générale, le tout provoquant la fuite du président Ben Ali vers l’Arabie saoudite, le 14 janvier 2011.
*(Note de la rédaction). Kemal Atatürk (en turc: « Kemal, père des Turcs »), dont le nom d'origine est Mustafa Kemal, également appelé Mustafa Kemal Paşa, (né en 1881, Salonique [aujourd'hui Thessalonique], Grèce - décédé le 10 novembre 1938, à Istanbul, en Turquie), est un soldat, homme d'Etat et réformateur, qui fut le fondateur et premier président (1923-1938) de la République de Turquie. Il a modernisé les systèmes juridiques et éducatifs du pays et a encouragé l'adoption d'un mode de vie européen, avec le turc écrit en alphabet latin, les citoyens ayant adopté des noms de style européen. (Source: Encyclopædia Britannica.)