Dans ma précédente chronique, nous avons vu que ni Bougie, ni Tlemcen ne furent les matrices d’une future Algérie. Je vais insister aujourd’hui sur le cas de Tlemcen, l’ancienne Pomaria romaine, poste de cavalerie chargé de surveiller les confins avec la Maurétanie tingitane, l’actuel Maroc.
Le véritable essor de Tlemcen date de la fin du VIIIe siècle de l’ère chrétienne, quand la ville passa sous le contrôle des Idrissides de Fès, fondateurs du premier Etat marocain. La période idrisside qui dura 139 ans, de 790 à 931, fut la première séquence marocaine de Tlemcen. Il y eut tant d’autres.
En 1078 les Almoravides ouvrirent la seconde période marocaine de Tlemcen qu’ils occupèrent jusqu’en 1146. C’est d’ailleurs semble-t-il sous les Almoravides que l’on commença à désigner la ville sous le nom de Tilimsan (Tlemcen), déformation du berbère Tilimsan (source). Ce furent les Almoravides qui bâtirent le noyau de la ville actuelle et y édifièrent l’actuelle Grande mosquée érigée sur ordre d’Ali Ben Youcef (1083-1143). Sous leur règne, Tlemcen devint la seconde capitale de l’empire marocain après Marrakech.
Avec les Almohades qui succédèrent aux Almoravides, débuta la troisième période marocaine. En 1143 (ou en 1144 ou en 1145), Abd el-Moumen (1130-1163) prit la ville qu’il confia à des gouverneurs, les Zianides (ou Beni Abd el Wadides), alliés et vassaux.
En 1240, Yaghmorasan ben Zayan (1236-1283) ne reconnut plus la suzeraineté almohade. Débuta alors la grande période tlemcénite, celle des Zianides, qui dura environ trois siècles, du XIIIe au XVIe siècle, entrecoupée de retours du Maroc.
Puis, le Mérinide Abou Yakoub Youssef (1286-1307) conquit, petit à petit, les territoires zianides: Oran et sa région en 1300, Alger et ses environs en 1301-1302, puis le massif de l'Ouarsenis. Il ne restait plus aux Marocains que la ville de Tlemcen à enlever quand, en 1307, le sultan Abou Yakoub Youssef fut assassiné à Mansoura. Tlemcen retrouva alors son indépendance.
En 1334, sous Abou Tachfin I de Tlemcen (1318-1337), une nouvelle guerre éclata et le sultan mérinide Abou l’Hassan (1331-1351) conquit toute la région comprise entre Oujda et Alger, puis, le 13 avril 1337, Tlemcen fut prise. Durant l'assaut, Abou Tachfin I et trois de ses fils furent tués.
En 1347, Abou l’Hassan acheva la conquête de tout le Maghreb. Sultan du Maroc, de Tlemcen et de Tunis, il fut alors au sommet de sa puissance. Cependant, en deux ans, de 1348 à 1350, un total retournement de situation se produisit et l’empire marocain s'effondra.
Redevenue indépendante en 1350, Tlemcen fut réoccupée dès 1351 par le Mérinide Abou Inane Faris (1351-1358). Après sa mort, Tlemcen recouvrit une nouvelle fois son indépendance. Sous le règne du zianide Abou Hamou Musa II (1359-1388), la ville connut une grande prospérité illustrée par un développement architectural et culturel qui en fit une ville de savants et d’artistes réputés.
Tlemcen entra ensuite dans une longue période de décadence, oscillant entre deux maîtres successifs, le Mérinide marocain à l’ouest et le «Tunisien» hafside à l’est.
En 1411, grâce au soutien du sultan mérinide Abou Saïd III (1398-1420), Abou Malek (1411-1424) prit le pouvoir à Tlemcen. Puis il se retourna contre son allié marocain, défit son armée et prit Fès, sa capitale. Les Hafsides de Tunis fomentèrent alors une révolution en soutenant un oncle d’Abou Saïd qu’ils reconnurent comme sultan et qui régna une première fois sous le nom d'Abou Abdallah Mohammed (1424-1428).
Un nouveau retournement de situation se produisit en 1428. Réconcilié avec les Hafsides, Abou Malek, qui avait été détrôné en 1424, reprit alors Tlemcen grâce à leur aide et il redevint sultan pour un second règne qui dura de 1428 jusqu’à son assassinat en 1430.
Puis, en 1431, le sultan hafside de Tunis, Abou Faris al-Mutawakil (1394-1434) se présenta devant Tlemcen à la tête d’une armée forte de plusieurs dizaines de milliers d’hommes. Après avoir vainement tenté de conquérir le Maroc, il rentra à Tunis.
En 1432 ou en 1433, profitant du départ d’Abou Faris al-Mutawakil, les Zianides reprirent le pouvoir à Tlemcen, mais la ville n’était plus que l’ombre d’elle-même.
En 1512, le Zianide Abou Abdallah Mohamed II mourut sans héritier. Abou Zeyane, frère aîné du défunt, accéda au pouvoir en s’alliant aux Espagnols maîtres d’Oran depuis le mois de mai 1509.
En 1517, le Turc d’origine grecque Arudj Barberousse prit Tlemcen et il fit mettre à mort Abou Zeyane. Mais, commandés par Diego de Cordoba, marquis de Comares, les Espagnols lancèrent une offensive victorieuse qui s’acheva par la mort d’Arudj Barberousse en 1518.
A partir de ce moment, Tlemcen n’eut plus de destin autonome. Belle endormie, elle vivota jusqu’à la période ottomane qui débuta en 1553 ou en 1555 quand le pacha turc d’Alger, Salah-Raïs, prit la ville.
Tlemcen qui, à aucun moment n’avait été la matrice d’une future Algérie, ne fut dès lors guère plus qu’une cité parmi d’autres de la Régence turque d’Alger.