Alors que les Almoravides étaient des Berbères sahariens appartenant au groupe des Sanhaja, les Almohades étaient des Berbères montagnards se rattachant au groupe des Masmouda. A la différence des Almoravides qui affirmaient leur soumission au calife de Bagdad, les Almohades rejetaient la suzeraineté abbasside et se voulaient califes. Leur empire se sépara donc de l’Orient.
Fondateur de la puissance almohade, Mohammed ibn Toumert naquit vers 1080 à Igilliz, dans la tribu des Harga (Harghen), sur le versant septentrional de l'Anti-Atlas. Après dix ans de voyage en Orient, il regagna le Maghreb en 1117. Bientôt suivi d'un groupe grandissant de fidèles enflammés par ses discours, il brisait les instruments de musique et dénonçait le luxe vestimentaire ou la richesse ostentatoire des notables locaux. Chassé de Bougie, il se réfugia à proximité de la ville, dans la zaouia de Mallala, pour y poursuivre son enseignement. Il y rassembla autour de lui de nombreux disciples, dont celui qui fut le véritable propagateur de la foi nouvelle, le Zénète Abd el Moumen. Puis Ibn Toumert décida de revenir vers son pays natal où la domination almoravide était mal supportée.
Accompagné d’Abd el Moumen, il gagna le pays des Iguelouan (Glaoua), puis celui des Hazraga. Il choisit finalement d'établir sa «capitale» à Tinmel (en 1121?) dans la région de la vallée du Nfis, une des grandes vallées montagnardes qui entaillent profondément le Haut Atlas au sud de Marrakech. C'est dans ce cadre à la fois désolé et magnifique qu’il réunit ses fidèles afin de les préparer à la conquête.
En 1122, les Almoravides qui tentaient de s’emparer de Tinmel furent défaits. Puis, en 1127 (ou en 1129) le sultan almoravide Ali ben Youssef (1107-1143) décida de frapper un grand coup, mais son armée fut battue et les survivants furent poursuivis jusqu'aux portes de Marrakech. Cependant, une contre-attaque almoravide réussit et les Almohades furent écrasés et ils durent se replier précipitamment dans leur refuge montagnard. Au mois de septembre 1130, Ibn Toumert s'éteignit et son successeur fut Abd el Moumen (1130-1163).
Durant les années qui suivirent, Abd el Moumen concentra ses efforts sur le Sud marocain où les Almohades s'emparèrent de l'importante forteresse de Tasghimout, puis, en 1140-1141, une longue campagne permit la soumission des oasis du Sud. Tournés ensuite vers le Nord, les Almohades s'emparèrent de Taza, puis de Tetouan.
Marrakech fut enlevée en mars 1147 et tous les représentants de la lignée almoravide, en particulier le jeune émir Ishak y furent massacrés. Maître de la capitale almoravide, le calife almohade décida d'édifier sur les ruines du Dar al Hajar, le palais de ses ennemis abattus, une grande mosquée, la célèbre Koutoubiya.
A la suite d'Abd el Moumen, trois souverains almohades contribuèrent au développement de l’empire marocain qui établit pour un demi-siècle son hégémonie sur l'Islam occidental, de Cordoue à Tripoli.
Le déclin almohade débuta en Andalousie, après la victoire chrétienne de Las Navas de Tolosa (16 juillet 1212), et il se prolongea jusqu'en 1269. Plusieurs facteurs expliquent la chute des Almohades:-La valeur militaire des Masmouda qui avaient constitué le noyau principal de la puissance almohade baissa, faute d'un chef charismatique.- Les ambitions ainsi que les intrigues des courtisans se développèrent dans l'entourage du souverain.-L'insécurité fut une cause d'appauvrissement qui pesa lourd tout au long du XIIIe siècle.-La dynastie almohade fut menacée au Maroc même par la tribu berbère des Beni Merine, membre de la famille zénète, et qui allait bientôt fonder une nouvelle dynastie, celle des Mérinides.
Victorieux des Almoravides du désert, les Almohades montagnards durent donc à leur tour céder la place à une nouvelle dynastie berbère. Ils avaient cependant donné au Maroc médiéval sa plus grande extension, en même temps que l'éclat d'une civilisation née de la symbiose réalisée, en l'espace d'un peu plus d'un siècle, entre berbérité, arabité et culture andalouse.