La crise qui s’exacerbe chaque jour un peu plus entre l’Algérie et le Maroc s’explique parce que l’Algérie est au pied du mur. Durant des années, niant son soutien plus que direct au Polisario, elle a voulu faire croire qu’elle n’était qu’une observatrice de la question du Sahara occidental. Or l’effondrement du Polisario, mouvement croupion qu’elle porte à bout de bras depuis les années 1975, l’oblige désormais à agir en première ligne, dans une surenchère verbale et militaire. Des troupes ont ainsi été massées sur la frontière, le gouvernement multiplie les déclarations hostiles et la presse a reçu ordre de tenir des discours guerriers.
Que cherche donc l’Algérie? Là est toute la question car où est l’intérêt pour un «Système» aux abois de jouer aussi dangereusement avec le feu? Le fond du problème est que le «Système» algérien sait que ses jours sont comptés et que, pour simplement gagner du temps, pour retarder l’inévitable implosion, il a besoin d’un dérivatif nationaliste. Très exactement comme en 1963 quand la «guerre des sables» lui permit d’éviter la sécession de la Kabylie par la désignation d’un ennemi commode, le Maroc.
Aujourd’hui, diplomatiquement, l’Algérie est isolée, économiquement elle est en faillite et politiquement elle est au bord du précipice. Quant à sa jeunesse, elle n’a plus qu’un seul avenir, le hrig vers l’Europe… Pour une gérontocratie algérienne à bout de souffle, dont l’armée, son dernier pilier, est divisée en clans qui se haïssent, la seule issue est une unité artificielle contre le voisin marocain et contre l’ancien colonisateur français. Les deux sont d’ailleurs actuellement sa cible…
Le problème est que les accusations permanentes contre la France ont eu un résultat contraire au but recherché. En dépit de toutes ses concessions et de toutes ses ouvertures, le président Macron qui n’a pas été payé en retour semble avoir compris qu’il n’en ferait jamais assez aux yeux d’Alger. De plus, le chantage mémoriel exercé par le «Système» algérien a tout au contraire réveillé l’opinion française, à telle enseigne que l’un des thèmes de la campagne présidentielle va être celui du refus de la repentance. Plus encore, il est de moins en moins rare d’entendre des hommes politiques français tenir le discours suivant: il n’y a plus rien à attendre de l’Algérie, alors, dans ces conditions, pourquoi ne pas soutenir ouvertement la position marocaine et faire comme les Etats-Unis au sujet de reconnaissance de la marocanité du Sahara occidental?
En ce qui concerne le Maroc, les incessantes accusations algériennes sont également d’une totale inefficacité. Alger sait en effet très bien que ses exigences concernant le Sahara marocain ne pourront jamais être satisfaites. L’Algérie qui occupe sur sa frontière ouest des régions entières qui sont historiquement marocaines et que la colonisation lui rattacha tout à fait artificiellement, n’ignore pas que le Maroc n’acceptera jamais de renoncer à ses provinces sahariennes.
Dans ces conditions, ce qui est incompréhensible dans l’obstination algérienne est le refus bétonné du réel. Au lieu de prendre en compte le point non discutable de la marocanité du Sahara occidental, et, partant de là, de tenter, par la négociation, d’en tirer des avantages commerciaux ou autres avec le Maroc, Alger s’enfonce au contraire chaque jour un peu plus dans un jusqu’au-boutisme qui menace la paix régionale.
Le risque, à force de durcir le ton, de tenir des discours guerriers et de masser des troupes sur la frontière est de provoquer un point de non-retour débouchant sur un conflit qui n’aurait que des résultats négatifs pour les deux pays. A moins que, des «docteurs folamour» de l’état-major algérien rêvent à une conquête militaire du Maroc qui permettrait à une Algérie «coincée» sur le littoral méditerranéen de s’ouvrir une fenêtre sur la façade atlantique…