Mes amis, nous allons parler football. Rassurez-vous, nous allons seulement essayer. Parce que le football, ça n’est pas que du jeu. C’est un prétexte, une porte ouverte. Nous allons donc parler un peu de football mais, en réalité, nous parlerons de tout à fait autre chose.
Oujda, capitale de l’Oriental, vient d’accueillir un derby entre les deux principales villes de la région. Le Mouloudia d’Oujda (MCO) recevait la Renaissance sportive de Berkane (RSB). Ce classico de l’Oriental, comme on l’appelle, a été préparé comme une fête. Une magnifique fête.
Il y a longtemps que la région de l’Oriental attendait cela. Pour la première fois, un trio d’arbitres venus du Sénégal allait officier dans un match du championnat marocain. Le symbole est magnifique. Autre première : le derby allait se dérouler dans le tout nouveau stade d’Oujda, remis à neuf. Enfin, devrait-on dire, parce que cela fait longtemps que Oujda et tout l’Oriental attendent d’avoir un stade digne de ce nom, digne aussi de leur rang, de leur histoire.
La fête tant attendue a eu lieu. Le public a répondu présent, plus de 20.000 personnes ayant rempli les gradins du stade. Le match en lui-même a été animé, équilibré, passionnant. Bien arbitré, disputé mais dans un bel esprit. Au final, c’est Oujda qui gagne par un petit but d’écart (1-0). Les joueurs des deux équipes s’embrassent et se quittent, les arbitres aussi…et c’est là que le cauchemar arrive. Envahissement de terrain, jets de pierre, courses-poursuites, des sièges qui volent, des sirènes de police, du feu, les filets et les poteaux arrachés, la pelouse aussi, des joueurs bloqués plusieurs heures dans les vestiaires, etc.
Tout a été saccagé. Le tout nouveau stade d’Oujda a été en partie détruit.
Pourquoi tout cela ? Pour rien. C’est gratuit, c’est aveugle. La violence est un mode d’expression. On tape et on casse pour évacuer le stress, la hogra, la haine et toute une panoplie de ressentiments accumulés dans la semaine, et peut-être dans une vie entière.
Ce qui s’est passé à Oujda n’est pas un phénomène isolé. Toutes les grandes villes, les grands stades, les grands clubs, ont connu cela. La ville de Casablanca a par exemple tellement «peur» de son public qu’elle ferme régulièrement son grand stade et oblige ses clubs à jouer dans un petit stade (petit public = petit risque) ou à recevoir loin de la ville. Le Wydad et le Raja de Casablanca ont souvent «reçu» leurs adversaires à Marrakech, Agadir, Rabat, El Jadida. Inutile de dire que, dans ce cas, la violence se déplace à son tour et touche le train, les autocars, les routes nationales, les autoroutes.
Mais nous ne sommes pas seulement devant une guerre de tranchée où chaque gang attaque l’autre. Le cas marocain est plus profond encore. Il est intéressant de noter, par exemple, que les casseurs s’en prennent d’abord aux installations qui leur sont dédiées : les sièges, les sanitaires, les bus.
Ça veut dire que ce n’est pas forcément la haine de la défaite qui les fait bouger. Ce n’est pas seulement le goût de la bagarre. Il y a bien sûr autre chose. On casse quand on a gagné et quand on a perdu. On casse dans tous les cas.
A croire que l’adversaire n’est pas l’équipe d’en face et ses supporteurs, mais bien autre chose.