A Casablanca, vous ne pouvez pas aller au cinéma, c’est fermé. Vous ne pouvez pas aller au théâtre, fermé aussi. Et vous ne pouvez pas dîner en ville ni assister au moindre concert de musique. C’est fermé et, de toute façon, il y a couvre-feu général à 21 heures.
Mais vous pouvez aller dans un «mall» et vous retrouver au milieu de plusieurs centaines de personnes. Vous pouvez vous entasser comme des sardines, les uns sur les autres, pour manger, rire, deviser et «tuer» le temps au milieu de la foule.
Qui dit mieux?
J’ai fait cette expérience, je n’en reviens toujours pas. Un monde fou, fou, mais dans tous les sens du terme. C'est-à-dire beaucoup trop de gens, et très peu de choses qui rappellent que l’on vit une période de couvre-feu, de fermetures et de précautions.
C’est carrément le monde d’avant Corona, avec des gens «libres», c'est-à-dire sans masques, qui ne connaissent pas la distanciation sociale (sans doute le pire concept de 2020), qui n’hésitent pas à s’embrasser et à se jeter les uns dans les bras des autres, qui s’agglutinent au lieu de faire la queue, qui mangent n’importe où, qui aiment le contact, le toucher, le frottement.
Il y a même de jolies vendeuses qui surgissent de leur petite boutique pour vous asperger de parfum bon marché, en affichant un sourire radieux: «Je vous asperge l’autre main aussi, pour vous convaincre d’acheter notre parfum à prix cassé?».
Tout est plein dans ce paradis des familles où les trois générations sont parfois représentées. Il faut jouer des coudes pour avancer ou trouver une place pour manger, acheter un jouet pour enfants, une tablette ou un gadget électronique.
Bien entendu, le seul endroit quasi désert est le rayon des livres. Même les contes pour enfants ne trouvent pas preneurs et semblent orphelins. Tom Sawyer ne pèse absolument rien à côté d’une console de jeux.
Mais que diable signifie donc tout cela? D’abord que les familles et les gosses surtout ressemblent à des barrages pleins à craquer par temps de Corona. Ils explosent littéralement en achats en tous genres, là où il est possible de le faire, où c’est encore ouvert. Ils mangent et ils dévastent tout sur leur passage, sauf les livres!
Ensuite, voir ces très grandes surfaces ouvertes et les lieux de culture fermés, c’est, passez-moi l’expression, malsain. Le ou la Covid-19 se niche dans les salles de théâtre ou de cinéma, dans les restaurants étoilés, et pas dans un fastfood ou dans un magasin de jouets et de produits ménagers?
Qu’est-ce qu’on cherche à combattre exactement: la propagation du Covid-19 ou celle de la culture?