Je reviens de Ougadougou, où j’ai eu la chance de participer à la dernière édition du Fespaco avec mon film «Aziya». Ce festival est le plus ancien, et certainement le plus prestigieux, du continent noir. Il existe depuis la fin des années 1960, au moment où la cinématographie marocaine était encore balbutiante.
Il ne sert à rien de parler des failles de ce rendez-vous du cinéma africain, qui sont nombreuses et parfois cocasses, notamment en matière d’organisation. Il vaut mieux passer outre. Les gens qui aiment le cinéma savent qu’un festival ne vaut pas par la qualité des plats que l’on vous sert, ni par le confort de l’hôtel dans lequel on vous loge, ou le nombre de sourires que l’on vous distribue.
Tout cela est secondaire, accessoire. C’est du folklore, c’est anecdotique. Ce qui compte, ce sont les films, leur qualité, et les conditions dans lesquelles ces films sont montrés et accompagnés. Et sur ce plan, rien à dire, le Fespaco est le big boss du cinéma africain.
Les meilleurs rendez-vous annuels du cinéma au Maroc, qu’ils soient à Tanger, Khouribga, Agadir, ou même Marrakech, ont d’ailleurs beaucoup à apprendre du Fespaco. Si, si, vous pouvez me croire. Un jour, c’est promis, on reviendra plus en détail sur cette affaire…
Je ne vous apprendrai rien en rappelant que Ouagadougou est une ville pauvre et qui manque à peu près de tout. Mais elle a le sens de la fête. Et elle aime le cinéma, ce qui est proprement extraordinaire. L’un des principaux carrefours de la ville s’appelle «la place des cinéastes». Cela veut dire beaucoup de choses. Le cinéma ici est une affaire essentielle, depuis l’époque où le pays s’appelait encore Haute-Volta.
Le pays des hommes intègres vibre, depuis plusieurs semaines, au rythme des rebondissements du procès Thomas Sankara. Le procès a été suspendu le temps du festival, mais les Burkinabè ne pensent qu’à ça. Sankara n’est pas qu’un ancien président mort jeune, probablement trahi par son second (Blaise Compaoré). Sankara, c’est Bob Marley, c’est Che Guevara, c’est la révolution qui sommeille en chacun de nous. Il est mort il y a 34 ans déjà, mais son souvenir reste vivace.
A Ouagadougou, on vous explique, de la manière la plus définitive, que «les bonnes choses (de faites) au Burkina, c’est Sankara, alors que les ratages, les plantages, c’est Blaise (Compaoré)». C’est comme ça, n’essayez même pas de rentrer dans le détail, c’est cause perdue. Sankara, c’est tout, parce que c’est un mythe.
Je vous disais plus haut que ma présence à Ouaga était le fait de mon film, «Aziya», qui concourrait dans la compétition officielle des courts métrages. Je n’ai pas gagné de prix mais l’amitié d’un certain nombre de personnes, dont des cinéphiles endurcis, pour qui le cinéma est une affaire vitale.
J’ai été accosté par un inconnu, dans la rue, dans le noir, au milieu de nulle part. J’ai cru qu’il allait me détrousser et m’alléger de quelques milliers de francs CFA, la monnaie locale. Mais non, il voulait simplement discuter et débattre de «Aziya», de comment ci et pourquoi ça…
A ma grande surprise, je n’ai croisé aucun représentant du Centre cinématographique marocain (CCM), qui veille pourtant sur les intérêts du cinéma marocain, partout dans le vaste monde et surtout en Afrique. Le CCM a tout un département dédié à la promotion du cinéma marocain à l’étranger, il est même partenaire et sponsor officiel du Fespaco. Il brille pourtant par son absence!
Ni stand dans le marché du film à Ouaga ni rien. Même pas un coup de fil, et pas le moindre petit effort pour faire parvenir de bonnes copies des films marocains (trois, en comptant «Aziya») qui défendent le drapeau marocain en compétition officielle. Que dire?
Je me sens, comme les autres représentants du royaume, orphelin et abandonné dans ce pays pourtant ami.
L’ambassade du royaume brille aussi par son absence, comme s’il s’agissait d’un évènement banal, alors que l’on parle du plus grand rendez-vous du cinéma africain, organisé tous les deux ans (comme la CAN!), et qu’un pays comme le Sénégal y envoie même son chef d’Etat, Macky Sall, accueilli comme une star de foot…
Etrange, et à vrai dire choquante absence du royaume de ce rendez-vous capital pour le cinéma, mais aussi pour la diplomatie africaine. C’est comme si l’équipe nationale de foot se présentait à la Coupe du monde sans délégation officielle. Totalement incompréhensible.