La nomination ultra-méritée de Loubna Abidar aux Césars du cinéma français ne plaît pas à tout le monde. En France, certains ne comprennent pas et réduisent cette nomination à une question de quota ethnique. C’est leur droit, pour ne pas dire leur problème.
Au Maroc, où Loubna Abidar n’a pas que des amis, beaucoup s’excitent et s’emportent, déversant de nouveaux torrents d’insultes et de menaces, à l’adresse de l’actrice marocaine, « cette ingrate et cette impie qui a renié son pays », et de la France qui a déployé ses « lobbys sionistes ou néo-colonialistes » pour offrir asile et reconnaissance à l’actrice malaimée.
On va laisser de côté cette agitation et ce folklore parce qu’ils n’apportent rien à personne, c’est un nuage, un nuage bien noir et bien lourd mais qui finira par passer.
En réalité, la nomination de l’actrice marocaine aux Césars est une très bonne nouvelle et une juste récompense. En plus de sa très grosse performance d’actrice dans le film, Loubna Abidar a fait preuve de beaucoup de courage. « Much loved » est devenu son film. Et ce film est devenu un combat.
Ce combat, Loubna l’a mené contre vents et marées, et elle est en train de le gagner. C’est admirable. Et il restera suffisamment de personnes lucides pour le comprendre et s’en féliciter, au Maroc et en France, et même ailleurs.
Quel combat, diront ses détracteurs, celui « de la pornographie, du non respect des valeurs de la société marocaine et de la femme marocaine » ? Mais non, laissons tomber cette terminologie qui ressemble au communiqué officiel interdisant la diffusion du film au Maroc, et qui a été mijoté à la va-vite pour contenir la colère des mécontents, hélas beaucoup trop nombreux.
A côté de Loubna Abidar, l’académie des Césars a choisi, entre autres, de nommer l’Algérienne Soria Zeroual (pour « Fatima ») et le Tamoulo - Sri Lankais Antonythasan Jesuthasan (pour « Dheepan »), deux acteurs qui viennent de nulle part : Soria est une ancienne femme de ménage et Antonythasan était un sans papier errant dans les rues de Paris.
Les Césars ont aussi choisi de soutenir « Mustang », un film franco-turc qui présente certaines similitudes avec « Much loved ». Ce n’est pas une coïncidence. Comme le film de Nabil Ayouch, « Mustang » montre certaines réalités dures de son pays, la Turquie, où il a été très mal accueilli.
Bien entendu, ces ouvertures et ce soutien pour des artistes en difficulté dans leur pays d’origine, sont un acte politique. Il faut le saluer. Le cinéma, qui est un art majeur, doit rester ouvert à son environnement. Parce qu’il a un rôle social et politique à jouer. Quand il le joue, comme le fait aujourd’hui l’académie des Césars, il faut s’en féliciter.
Pour revenir à « Much loved », il est étrange, et surtout très décevant, qu’au moment où le film s’ouvre une voie royale en Europe et bientôt dans le reste du monde, ses principaux protagonistes, Nabil Ayouch et Loubna Abidar, sont toujours poursuivis par la justice de leur pays. Ils sont accusés de ternir la réputation du pays…
Mais voyons, ce n’est pas le film mais le procès intenté contre les deux artistes qui ternit aujourd’hui la réputation du pays.