Le PJD est-il encore un parti islamiste ?

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ChroniqueLes islamistes du PJD sont en train de se muer en «grand parti conservateur», sans plus. Suffisant pour leur faire gagner, de nouveau, la confiance des Marocains ?

Le 20/02/2016 à 19h52

Dans quelques mois, les Marocains se rendront aux urnes. Feront-ils de nouveau confiance au PJD ? En 2012, quand les Marocains ont voté pour lui, le PJD représentait le «changement». Mais en 2016, que représente-t-il ?

En 2012, et après la vague de protestations nées de ce qu’on a appelé le Printemps arabe, le PJD représentait encore une grande inconnue et avait même des allures d’épouvantail. Il faisait un peu peur à une partie du pouvoir marocain, mais aussi aux élites économiques et intellectuelles du pays. Le parti était inexpérimenté puisque, en dehors de quelques communes et de mairies de moyenne importance, il ne s’était guère frotté à la réalité du pouvoir. On se posait aussi la question de savoir si le PJD était capable de produire suffisamment de hauts cadres et de managers d’envergure nationale. Le doute était légitime.

A côté de son inexpérience, le deuxième handicap du parti de Abdelilah Benkirane était, bien sûr, son étiquette islamiste incompatible avec la réalité du monde moderne.

Pour ceux qui ont la mémoire courte, il faut quand même rappeler qu’il y a quelques années encore, la plupart des grands dirigeants du parti militaient ouvertement pour un retour à la charia et à d’autres choix de société rétrogrades.

Mais il faut croire que cette époque est révolue. Dès leur arrivée au gouvernement, les islamistes se sont accommodés de bien des situations complexes. Ils ont abandonné cette fameuse «réforme des mœurs» qui leur servait pourtant de slogan et d’air de campagne, pour lui substituer une série de réformes économiques et sociales avec un pragmatisme qu’on ne leur connaissait pas.

Ils ont aussi, bien entendu, travaillé sur l’image de leurs principaux leaders. Annoncées comme des redresseurs des torts, présentées comme des prédicateurs jetés dans l’arène politique, les grandes figures islamistes ont plutôt construit ou cherché à construire une image nouvelle, moins populiste, mais tout aussi gagnante: celle d’hommes et de femmes «propres». Propres dans le sens d' incorruptibles. Dans un pays gangréné par la corruption, bienheureux est celui qui peut véhiculer l’image de Monsieur propre.

Depuis 2012, date de leur investiture, les islamistes se sont glissés ainsi dans la peau d’un parti conservateur, point à la ligne. La veine islamiste est reléguée au circuit interne, celui dans lequel baignent les militants de base du parti et les associations non politiques qui leur servent de pépinière (le MUR par exemple).

«Islamistes entre eux» mais simplement conservateurs au-dehors: voilà la mue subie par les amis de Abdelilah Benkirane. Sincère ou non, ce travail de relifting n’a de sens que s’il conduit le parti à une nouvelle victoire électorale. Autrement…

Par Karim Boukhari
Le 20/02/2016 à 19h52