La saisonnalité artistique et culturelle au Maroc répond à une logique aux règles non écrites, bien qu'assez connues et partagées par les "gens du milieu". Exemple: pendant le mois de ramadan, les galeries d'art restent, certes, ouvertes -il n'y a pas de raison!, mais, il ne viendrait à l'idée d'aucune d'entre elles d'y organiser un événement conséquent. On ferait comment pour la conf' de presse? Et pour le vernissage? Trop compliqué à gérer, évidemment: repoussons pour après! Pareil pour les festivals.
Le problème est qu'entre Ramadan et les vacances d'été (juillet-août) -suivies, comme chacun sait, par la fameuse rentrée scolaire, il ne reste pas beaucoup de temps. Sans parler de l'Aïd El Kébir qui pointe son nez à l'horizon. D'où un certain embouteillage d'événements. On ne va pas s'en plaindre. Le pays connaît des problèmes autrement plus graves, nous explique-t-on. On a envie de rétorquer que tout est lié, et qu'en grande partie, nos problèmes sont le fruit d'une gestion erratique du temps, mais on finit par se la fermer, ou plus exactement par suivre le mouvement, en marmonnant dans sa barbe, ce qui revient exactement au même.
Mercredi 14, l'ouverture de la saison artistique casablancaise postramadanesque s'est faite, en grande pompe, à la jeune -dans le temps- Galerie Artspace, sise quartier Racine. La population huppée fut nombreuse à se déplacer. La réputation de générosité et de qualité du buffet y serait-elle pour quelque chose? Honni soit qu'y mal y pense! D'autant que l'expo est de belle facture. Pas moins de neuf photographes: Zakaria Aït Wakrim, Nawal Amharech, Hamza Ben Rachad, Hind Chaouat, Touhami Ennadre, Nabil Ghandi, Med Hajlani, Lamia Naji et Misha Tazi. Que du bon. Une belle brochette. Curatée par l'élégant et très affable Amine Amharech, architecte de formation. Intitulée: "Lumières et corps mystique".
Une certaine unité esthétique se dégage de l'ensemble. Du rêve, de la poésie, sont dans l'air. Il serait vain, voire oiseux, dans le cadre de cet édito -forcément non illustré- de se lancer dans la description des œuvres accrochées. C'est beau, d'un bon niveau. Et de se reposer, une énième fois, la même question: pourquoi, dans le domaine de ce qui est convenu aujourd'hui d'appeler les arts visuels, le Maroc se défend-t-il si bien? Contrairement à d'autres disciplines: théâtre, musique, littérature, fiction télévisuelle, et autres, où nous ne brillons pas particulièrement, pas même au niveau de la région?
Personne ne sait répondre, avec conviction, à cette question. On se dit l7amdoullah et on reste perplexes. On se surprend, malgré tout, à rêver: et si l'État (central et/ou les collectivités) prenait conscience de cette réelle baraka nationale et se décidait, enfin, à créer les structures de formation et d'accompagnement en matière artistique dont notre pays est ridiculement démuni?
Non, ce n'est pas au-dessus de nos moyens! Que chaque commune offre un ou plusieurs atelier(s) d'initiation aux arts plastiques et à la photographie n'est pas une ambition insurmontable, que diable! Que chaque région se dote d'une école des Beaux-arts, digne de ce nom, ne relève pas du fantasme!
Les jeunes -et moins jeunes- sont là. Une capacité de création, assez considérable, est attestée. Mieux, toutes les études et réflexions, menées de par le monde, convergent vers un même constat: l'art est un secteur économique viable et bien plus producteur que tant d'autres. Il ne demande pas un investissement lourd et peut rapporter gros. Exporté, cela s'appelle du soft power.
Llah yhdina w safi. Bonne micro-saison artistique.