GenZ212: le tourisme tient bon, mais les professionnels restent sur leurs gardes

Des touristes prennent des photos au lac Yasmina à Merzouga, le 20 octobre 2024.. AFP or licensors

Pas d’effet domino pour l’instant. Les manifestations de la GenZ212 n’ont pas, à ce stade, freiné l’activité touristique, qui continue de tourner à plein régime. Les opérateurs restent toutefois vigilants. Ils estiment qu’un emballement sur les réseaux sociaux pourrait avoir plus d’impact que la réalité observée sur le terrain. Décryptage.

Le 01/10/2025 à 15h01

Hôteliers et opérateurs affirment, à ce stade, ne constater ni annulations massives ni trou d’air dans les réservations. Tous préviennent toutefois: si les images qui circulent sur les réseaux s’amplifient, l’effet boule de neige pourrait coûter cher à la destination Maroc. Contacté par Le360 pour en savoir plus, le ministère du Tourisme, lui, «préfère pour l’instant ne pas communiquer sur le sujet».

«Jusqu’à présent, il n’y a pas d’impact», résume d’emblée un opérateur installé à Fès. Même son de cloche à Marrakech, Agadir ou Tanger, où plusieurs professionnels parlent d’une activité «normale». Sur le terrain, les hôtels affichent de très bonnes performances et le calendrier événementiel reste chargé. Mais la confiance des professionnels s’accompagne d’une mise en garde: la bataille se jouera sur l’image, donc en ligne.

Le consensus est on ne peut plus clair. À date, l’offre tourne, la demande suit et les carnets ne se dégradent pas. L’inconnue tient moins aux fondamentaux économiques qu’au film qui se joue en ligne. Si les scènes de tensions deviennent virales et sortent de leur contexte, les touristes internationaux pourraient hésiter.

C’est ainsi que dans les principales places touristiques, les opérateurs évoquent un quotidien inchangé. Transferts, excursions, MICE et loisirs se déroulent sans perturbation notable. À Fès comme à Marrakech, la priorité est de «tenir la promesse client» et de rassurer les partenaires. Les professionnels se disent cependant attentifs à «l’effet loupe» des réseaux sociaux. Toute séquence mal interprétée chez un tour-opérateur ou un influenceur peut déclencher des demandes d’informations supplémentaires… puis des reports.

«Nous ne voyons pas de vague d’annulations pour le moment. En revanche, une dégradation de l’image à la veille de grandes échéances sportives, comme la Coupe d’Afrique, pourrait avoir un coût», poursuit un opérateur fassi, qui «espère que les choses vont se calmer». Le positionnement international reste un atout puisque, d’après lui, «l’image de marque du Maroc est bonne à l’étranger, il serait regrettable de lui porter préjudice».

Des réservations… au gré du clic?

Une comparaison historique s’impose pour objectiver le risque, selon le consultant Zoubir Bouhoute, qui renvoie au mouvement du 20 février 2011. «À l’époque, les nuitées avaient reculé d’environ 6%, mais le phénomène ne saurait être imputé à 100% aux manifestations. Le contexte international était alors lui-même chahuté, avec des attroupements dans plusieurs pays. Pour le Maroc, le retour à l’ordre était intervenu au bout d’une vingtaine de jours», rappelle-t-il.

La leçon est double, analyse-t-il. D’une part, les effets sur le tourisme liés aux manifestations sont souvent transitoires, d’autre part, le canal qui amplifie ou non l’impact est médiatique et numérique. Autrement dit: si les réseaux sociaux s’emballent et figent un récit alarmiste, le cycle de réservation peut se tendre, mais l’inverse est également vrai en cas d’accalmie rapide.

Dans le contexte présent, Zoubir Bouhoute juge plausible une baisse d’activité, non pas par la seule mécanique des manifestations GenZ212, mais par la conjonction de plusieurs facteurs. Il cite d’abord la France, marché émetteur majeur pour le Maroc, où des mouvements de blocage alimentent un climat de prudence et peuvent inciter au report de voyages. Il ajoute les barrières douanières américaines, en durcissement, qui compliquent l’environnement de certains segments long-courriers et qui pèsent sur la fluidité des échanges touristiques. «Ces vecteurs s’additionnent à l’amplification potentielle des images sur les plateformes sociales, capables de produire, en peu de temps, un écart entre la réalité opérationnelle sur le terrain et sa perception à l’étranger», poursuit-il.

Il insiste toutefois sur la nécessité de distinguer corrélation et causalité. «Rien n’interdit un scénario comparable si la séquence actuelle se calme et si le récit se rééquilibre. Le véritable arbitrage viendra des marchés émetteurs et des marqueurs de demande à savoir l’évolution des fenêtres de réservation, le glissement des annulations et la tonalité des requêtes des tour-opérateurs», ajoute Zoubir Bouhoute.

À ce stade, la dynamique du secteur décrit une progression qui demeure positive mais décélérée (+27% en janvier, +22% en février, +17% en mars (effet ramadan), +27% en avril, +16% en mai, +11% en juin, +6% en juillet) signe, dit-il, d’un modèle qui «s’essouffle» à la marge après le rattrapage post-Covid.

Ce tassement relatif n’efface pas les amortisseurs structurels. Un opérateur de Marrakech rappelle, par ailleurs, que le plan de développement de Royal Air Maroc, avec l’acquisition de nouveaux appareils et l’ouverture de lignes internationales (Île de Sal, Zurich, Munich, N’Djamena, São Paulo, Toronto, Catane, Pékin, Manchester, Naples, Abuja, Londres-Stansted) et point à point (Marrakech–Lyon, Toulouse, Nantes, Bordeaux), ainsi que les liaisons domestiques programmées (Marrakech–Laâyoune et Dakhla en stand-by, Rabat–Dakhla), soutient l’accessibilité et diversifie les portes d’entrée.

On retient alors que la conjoncture tient et que la réputation arbitre. Si la rue s’apaise et que les réseaux ne surinterprètent pas l’instant, la saison devrait se dérouler sans heurts notables. Si, au contraire, l’image se détériore, la facture se règlera en points de remplissage plutôt qu’en fermetures d’établissements, preuve qu’en tourisme, l’économie suit la réalité, mais la demande suit d’abord ce qu’elle voit.

«Si recul il y a, il relèvera d’un faisceau de déterminants, perception internationale, conjoncture chez les émetteurs clefs, conditions commerciales mondiales, plus que d’un seul facteur endogène. L’enjeu immédiat est de laisser les indicateurs trancher, sans surinterpréter les images, ni sous-estimer leur pouvoir», conclut Zoubir Bouhoute.

Par Hajar Kharroubi
Le 01/10/2025 à 15h01