"Mon père, il me racontait tout sur Azemmour, qu’il y a Oum Rabii, que le magasin de mon grand-père était à côté du Rebbi Abraham Moul Niss. Mon grand-père était aveugle, il vendait de l’eau de vie, les toques (kippa), les bougies parce que les juifs quand ils entraient au Rebbi Abraham Moul Niss, ils priaient et ils allumaient des bougies", témoigne Luna, dans un mélange de français et de darija.
A Azemmour, avec la reprise des relations entre le Maroc et Israël, le président de la commune nouvellement élu, Zakaria Semlali, avait appelé l’ensemble des juifs originaires de la ville à venir récupérer leurs maisons ou celles de leurs aïeux.
Répondant à cet appel, Luna, qui vit en Israël, et qui est originaire d’Azemmour, s’est rendue dans l’ancienne médina, afin d'y retrouver la maison de ses grands-parents, où ont grandi ses parents.
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La première visite que Luna avait effectuée à Azemmour avait été marquée par de fortes émotions pour la jeune femme. En retrouvant la maison de ses grands-parents, elle a aussi retrouvé tout ce que ses parents lui avaient raconté sur la vie dans l’ancienne médina.
"La première fois que j’ai retrouvé la maison, j’ai pleuré parce que j’ai vu mon grand-père qui rentre du travail, j’ai vu ma grand-mère assise devant la porte de la maison, j’ai vu mon-père qui jouait... Aujourd’hui, je ne peux plus me passer d’Azemmour, je respire Azemmour. Dès que j’arrive au Maroc, je viens ici. Ensuite, je vais me balader un peu partout", dit-elle, avec encore de l'émotion dans la voix.
"Nous avons fait un travail de recherches sur les propriétés des Marocains de confession juive qui sont partis en Israël et ailleurs, pour qu’ils reviennent retrouver la maison de leurs parents et grands-parents. Nous avons travaillé avec la communauté juive de Casablanca, qui est présidée par Serge Berdugo. Nous avons reçu une série de documents et nous avançons à un bon rythme", a expliqué Zakaria Semlali, dans une déclaration pour Le360.
Récemment, Le360 vous l'annonçait d'ailleurs dans un article, le président de la commune, Zakaria Semlali, a indiqué que la ville d’Azemmour serait désormais jumelée à la ville de Karyat Yam, au nord de Haïfa et que des travaux de rénovation du cimetière juif de la ville était en cours.
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Bien qu’elle ait grandi en Israël, Luna a toujours gardé de fortes attaches avec le Maroc et maîtrise parfaitement la darija. A leur arrivée en Israël, les parents de Luna ne parlaient d'ailleurs pas encore l’hébreu, et sa grand-mère ne s'exprimait qu'en darija.
"Quand ma grand-mère me parlait, je ne comprenais rien, mais ma mère me disait: 'tais-toi, écoute et apprends'. Aujourd’hui, je remercie maman et ma grand-mère pour cela", explique-t-elle.
Lors de sa première venue à Azemmour, Luna avait rencontré une voisine, une femme d’une centaine d’années qui avait grandi avec ses parents et grands-parents, et qui lui a tout raconté sur cette époque.
"Elle s’appelait Khadodi, c’est ma grand-mère qui l’avait surnommé ainsi parce qu’un jour, pendant le Chabbat, ils allaient chanter "Lekha Dodi' et elle, elle a dit c’est quoi 'khadodi' et ma grand-mère lui a dit maintenant tu vas t’appeler 'Khadodi'. Elle faisait tout avec mes grand-parents, ils mangeaient ensemble, ils cuisinaient ensemble… La vie était belle", témoigne encore Luna.
Aujourd’hui, près de 800.000 juifs d’origine marocaine vivent en Israël. Comme Luna, ils devraient être nombreux, avec le lancement des vols directs entre les deux pays, à revenir sur les terres de leurs ancêtres.