Tribune. Le Maghreb médical, une continuité scientifique à toute épreuve

Depuis le vendredi 10 septembre dernier, des chirurgiens orthopédiques du Maroc, d'Algérie et de Tunisie, tiennent à distance, Covid oblige, une réunion de formation chirurgicale continue sur la prothèse totale de la hanche en ambulatoire. La tenue de ce «Maghreb de l'orthopédie» (Chirurgie des os, des muscles et des articulations) constitue la suite logique d’une politique de santé publique menée depuis quatre décennies.

 

Naissance et développement de l’orthopédie maghrébine

Pour les professeurs Rafai et Farid Ismael, l’actuel et l’ancien président de la société Marocaine de traumatologie-orthopédie, la Tunisie, l'Algérie et le Maroc ont toujours partagé leurs expériences cliniques et thérapeutiques à travers des congrès, des cours, des formations diplômantes et, pandémie oblige, par des visioconférences.

 

Cette édition 2021 sur les actualités diagnostiques et thérapeutiques en orthopédie, est organisée par les Tunisiens, avec la participation d'éminents chirurgiens algériens et marocains.

 

Cette session de formation continue en orthopédie développe des arguments scientifiques pour faire bénéficier un patient en ambulatoire d’une prothèse totale de la hanche (PTH). Cela consiste au remplacement par une prothèse de l'articulation de la hanche défaillante, La réalisation de la PTH en ambulatoire rend possible de raccourcir l'hospitalisation du patient à moins de 24 heures. Le patient entre dans l'unité chirurgicale de soins, il se fait opérer et sort en fin d’après-midi ou en fin de soirée. C’est une véritable révolution thérapeutique. 

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Il faut rappeler que les grandes indications de la prothèse totale de la hanche (PTH ) sont l'arthrose avancée de la hanche, la nécrose de la tête fémorale et la fracture de la tête fémorale, particulièrement chez les personnes âgées.

 

Cette possibilité chirurgicale offre plusieurs avantages, à savoir la réduction de la durée de l'hospitalisation, la diminution des frais, mais surtout le fait que le patient retrouve son environnement et ses habitudes le plus rapidement possible. Ce sont les conditions les plus favorables pour reprendre une activité normale.

 

Dans son essai, 30 ans de développement de l’orthopédie marocaine, le Pr Abdelouahed Ismael, pionnier de la traumatologie-orthopédie marocaine, cite un fait historique important. «Avant même une action marocaine pour regrouper les orthopédistes marocains, plusieurs volontés et initiatives, ont concentré leurs efforts, dès le début des années 70 pour former une société savante maghrébine d’orthopédie».

 

L’histoire retiendra que cinq noms, les Pr Trias et le Pr Martini (France),  le Pr Kassab (Tunisie), le Pr Mehdi (Algérie) et le Pr Abdelouahed Ismael (Maroc), ont décidé, en 1975, année de la Marche verte, la création d’une société savante Maghrébine de chirurgie-orthopédique et traumatologique.

 

Les sciences médicales maghrébines, pour une vision régionale de la santé

Pour le Pr Saïd Moutawakil, président d’honneur de la société marocaine des sciences médicales, les relations entre les médecins maghrébins se sont établies dès le milieu des années soixante.

 

Ces échanges ont été formalisés par la société marocaine des sciences médicales, la société algérienne des sciences médicales, la société algérienne de chirurgie et la société tunisienne des sciences médicales.

 

Chacun des pays maghrébins organisait à tour de rôle un Congrès Maghrébin des Sciences Médicales.

 

Ce congrès, annuel, avait un thème principal commun, défini un an à l'avance par les bureaux respectifs des sociétés scientifiques des pays Maghrébins.

 

Parallèlement, chaque année, le Prix Maghrébin médical était offert par le Président tunisien, feu Habib Bourguiba, au meilleur travail scientifique maghrébin sur les sciences médicales. 

 

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Au cours de ces congrès, les ministres de la Santé des pays maghrébins se réunissaient, ainsi que les doyens des facultés de médecines.

 

Malgré la tension entre l'Algérie et le Maroc, feu Sa Majesté Hassan II tenait à la régularité des réunions maghrébines et entouraient le monde médical Maghrébin de sa haute sollicitude.

 

L’ancien ministre de la Santé du Maroc, feu Abderrahim Harouchi, avait lancé le «Diplôme Maghrébin de pédagogie médicale».

 

«Après le printemps arabe et surtout à cause de la situation en Tunisie, le congrès maghrebin des sciences médicales va s'essouffler et s'arrêter en 2019, à cause de la pandémie. De même, l'arrêt unilatéral des relations diplomatiques avec le Maroc, décidé par l'Algérie, va être lourd de conséquences sur la coopération scientifique médicales entre les pays du Grand Maghreb», indique le Pr Saïd Moutawakil.

 

Lors de ces congrès maghrébins de médecine, de grandes thématiques ont été débattus, dont la tuberculose et le cancer au Maghreb, les accidents de la voie publique, l'assurance maladie, les nouveaux défis de la médecine, les financements des systèmes de santé, le médicament au Maghreb, les transplantations d'organes, l'éthique médicale et la responsabilité médicales.

 

Parmi les noms illustres qui ont présidé aux destinées des sociétés maghrébines des sciences médicales, on peut citer, parmi les Marocains,  le Pr Abdelaziz Maaouni, actuel médecin du Roi Mohammed VI, le Pr Abdelkrim Bennis, feu le Pr Moulay Ahmed Iraqui, ancien ministre de l’environnement, lors du premier gouvernement dirigé par Abderrahmane Youssoufi, le Pr Saïd Benchekroun et le Pr Saïd Moutawakil. Pour les médecins tunisiens, il y avait le Pr Gueddich et le Pr Ridha Chafi...Pour l'Algérie, le Pr Hammad, le Pr Joumaili, le Pr Graba et le Pr Guerinick. 

 

Il est à rappeler que les 3^ème, 4^e et 5^e congrès médicaux maghrébins se sont respectivement tenus à Tunis (14-15-16 Mai 1973), à Rabat ( 12-13-14 Mai 1974) et à Alger (5-6-7 Mai 1975).

 

Quant aux 43^e, 44^e, 45^e et 48^e congrès médicaux maghrébins, ils se sont respectivement tenus à Oran en Algérie (17-18 mai 2014), à Tozeur en Tunisie (19-20 novembre 2015), à Casablanca (2 et 3 décembre 2016) et un 48^e, à Tunis, (9 et 10 novembre 2018).

 

Le Pr Harouchi et le congrès maghrébin de chirurgie infantile

Autre illustration de la coopération entre les chirurgiens maghrébins, un des congrès maghrébins de chirurgie infantile, organisé par la Société marocaine de chirurgie pédiatrique (SMCP), en partenariat avec la Fédération maghrébine de chirurgie pédiatrique (FMCP), avait été marqué par le vibrant hommage rendu au Pr Abderrahim Harouchi, ancien ministre marocain de la Santé. 

 

Le 1^er congrès maghrébin sur les maladies du sommeil

Promouvoir les connaissances en matière de la médecine du sommeil et favoriser l’évolution de cette spécialité dans les pays maghrébins, ont constitué la charpente du 1^er congrès maghrébin des maladies du sommeil, qui a coïncidé avec le 6^e congrès national de la société marocaine de médecine du sommeil, présidée par la Dr Fouzia Kadiri. Cette médecin ORL de formation, précise que la médecine du sommeil est l'une des disciplines médicales ayant le plus progressé au cours des dernières années grâce aux progrès de l'électrophysiologie médicale, de la génétique et de la pharmacologie. 

 

Un programme maghrébin de transplantation d’organes

Pour le Pr Tariq Sqalli Hassani, président de la société marocaine de néphrologie, chef de service des maladies rénales au CHU de Fès, et vice-doyen de la faculté de médecine, de pharmacie et de médecine dentaire de Fès, les médecins néphrologues marocains, algériens et tunisiens, travaillent depuis plusieurs années, en coopération avec la France, pour la mise en place d’un véritable programme de don et de transplantation d’organes au profit des patients maghrébins qui souffrent d’insuffisance rénale terminale et dont la survie dépend uniquement de la dialyse rénale.

 

Des neurologues maghrébins et du monde arabe à Tanger

Un des derniers congrès de la société marocaine de neurologie, organisé en collaboration de la Fondation Marocaine de lutte contre les Maladies Neurologiques et la Fédération Maghrébine de Neurologie a vu la  participation d'environ 300 neurologues venus des quatre pays du Maghreb (Algérie, la Tunisie, la Mauritanie et le Maroc). Les trois thèmes principaux choisis ont porté sur la neurologie du sujet âgé, les céphalées, et l’apport de l’imagerie dans le diagnostic et le suivi thérapeutique des maladies neurologiques

 

La continuité scientifique malgré la rupture unilatérale

Dans la continuité de la coopération scientifique médicale entre les pays du Maghreb, plusieurs réunions de formation médicale continue sont au programme de ce dernier trimestre 2021.

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Le 17^e congrès de la Fédération Maghrébine d’endocrinologie (FMED), jumelé au 44^e congrès de la Société Marocaine d’Endocrinologie, Diabétologie et Nutrition, est prévu à Marrakech du 13 au 17 octobre 2021, indique son président, le Dr Hamdoun Hassani. Le thème portera sur le vécu du malade diabétique dans les pays du Maghreb. Les travaux scientifiques se dérouleront en présentiel et à distance.

 

Autre rencontre scientifique dans le calendrier du Maghreb Médical, le 26^e congrès de cardiologie, qui aura lieu à Marrakech du 14 au 16 octobre 2021, indique sa présidente, la Dr Aïcha Aouad, qui rappelle par ailleurs que le 24^e Congrès National de Cardiologie, jumelé avec le 22^e Congrès Maghrébin de Cardiologie, se sont tenus à Marrakech, du 17 au 19 octobre 2019. 

 

Enfin, le 17^e Congrès Maghrébin d'Hématologie (maladies du sang) est programmé à Marrakech, du 7 au 9 octobre 2021. 

 

*Le Dr Anwar Cherkaoui est médecin. Lauréat du cycle supérieur de l'Iscae, il a été, trente années durant, le responsable de la communication médicale du CHU Ibn Sina de Rabat.