Sécheresse au Maroc: la faute au phénomène climatique «la Niña», vraiment? Ce qu'en dit un climatologue marocain

Saïd Karrouk est professeur en climatologie à l'université Hassan II, à Casablanca.

Saïd Karrouk est professeur en climatologie à l'université Hassan II, à Casablanca. . DR

Il y a quelques jours, le physicien espagnol Juan Jesus Gonzalez de l'agence de météorologie espagnole a déclaré à l'agence de presse EFE que la sécheresse en Espagne et au Maroc était due à un phénomène climatique, la Niña. Le climatologue marocain Saïd Karrouk n'est pas de cet avis.

Le 21/02/2022 à 10h25

Professeur de climatologie à l’université Hassan II de Casablanca, Saïd Karrouk écrit, dans une mise au point reçue par Le360, qu'«il est de [s]on devoir de clarifier cette question vis-à-vis des Marocains en se basant sur [s]es travaux personnels qu'[il a] effectués pendant les années 90 sur les sécheresses (...) vécues au Maroc, mais aussi sur la littérature scientifique liée à aux événements dit ENSO (El Niño Southern Oscillation)». 

Par cette mise au point, le climatologue livre un avis diamétralement opposé à celui exprimé par le physicien espagnol Juan Jesus Gonzalez, de l’agence de météorologie espagnole.

Dans une déclaration à l’agence de presse espagnole EFE, Juan Jesus Gonzalez avait en effet expliqué que l'actuel épisode de sécheresse que traversent aussi bien la péninsule ibérique que le Maroc est dû au phénomène la Niña, installé depuis un moment dans l'océan Pacifique. Se basant sur les dires de plusieurs climatologues, experts de la question, le physicien espagnol avait affirmé que ce phénomène climatique risquait de persister au moins jusqu’au printemps prochain.

Mais pour le professeur marocain de climatologie, l'épisode de sécheresse qui s’est installé n’est pas dû au phénomène climatique de la Niña: «je pense que l'explication doit nous être donnée par une autre réalité, qui est la température superficielle océanique, qu'on appelle la Sea Surface Température (SST)», précise-t-il. 

Selon Saïd Karrouk, il s'agit là d'une anomalie positive dans la partie nord de l'océan Atlantique, qui intervient depuis le mois d’août dernier: «en se basant sur ces informations, je pense que l’anticyclone des Açores devrait à l’origine être faible pendant cette phase, mais se trouve renforcé au sol en raison de la température océanique, et puisque l’anticyclone n'est pas si puissant à l'origine, elle [la telmpérature océanique, Ndlr] n'a pas la capacité de faire dégager l'eau chaude superficielle, qui normalement devrait donner lieu à des précipitations, mais l'anticyclone avec ses flux descendants empêche la condensation pour qu'il y ait précipitation», détaille-t-il. 

Pour cet universitaire marocain, il y a donc lieu de relever une contradiction entre les données océaniques à température élevée, qui doit favoriser les précipitations et l’humidité, mais aussi, dans le même temps, le fait de la persistance de l'anticyclone des Açores, qui empêche une condensation de la vapeur d'eau, à même de se transformer en nuages pluvieux. 

Par Qods Chabaa
Le 21/02/2022 à 10h25