Réutilisation des eaux usées: le Maroc vise 100 millions de m³ d’ici 2027

De l'eau traitée à la station d'épuration des eaux usées de Médiouna. (A.Gadrouz/Le360)

Déjà plus de 40 millions de m³ d’eaux usées réutilisées en 2024. Un chiffre qui devrait plus que doubler d’ici 2027, selon les prévisions du ministère de l’Équipement et de l’Eau.

Le 18/07/2025 à 09h36

Le Maroc veut miser sur la réutilisation des eaux usées épurées. Un dispositif qui permet de donner une seconde vie aux millions de mètres cubes d’eau rejetés chaque année dans les égouts. Rien qu’en 2024, près de 40 millions de mètres cubes d’eaux traitées ont été réutilisés pour l’irrigation des espaces verts, jardins publics et terrains sportifs dans plusieurs villes, telles que Casablanca, Rabat, Marrakech, Tanger, Tétouan, Agadir ou encore El Jadida.

Et aujourd’hui, face à la persistance du stress hydrique et aux épisodes répétés de sécheresse, le Maroc veut accélérer encore davantage ce programme, en portant le volume des eaux épurées réutilisées à 100 millions de mètres cubes par an à l’horizon 2027. Pour atteindre cet objectif, plusieurs villes comme Fès, Meknès, Settat, Kénitra, Oujda, Berkane, Nador, Essaouira, Dakhla, Ouarzazate, Ifrane, Assilah et Sefrou vont bientôt rejoindre ce dispositif, selon le ministère de l’Équipement et de l’Eau.

Pour comprendre l’intérêt de cette stratégie, il faut revenir au fonctionnement du dispositif. «La réutilisation des eaux usées épurées consiste à traiter l’eau issue des réseaux d’assainissement urbains pour la débarrasser de ses polluants et la rendre propre à des usages non domestiques, comme l’arrosage ou le nettoyage urbain», explique Amine Benjelloun, hydrogéologue.

(S.Bouaamoud/Le360)

Selon l’expert, ce traitement s’effectue en plusieurs étapes. Tout commence par ce que l’on appelle le traitement primaire. À ce stade, les eaux usées, collectées après usage domestique ou industriel, sont d’abord débarrassées de leurs plus gros déchets. Des grilles retiennent les éléments solides comme les plastiques, les papiers ou les débris divers.

L’eau passe ensuite dans des bassins de décantation où, par simple gravité, les particules lourdes et les boues se déposent au fond. Ce procédé permet de retirer une grande partie des matières solides en suspension, mais l’eau ainsi traitée reste encore fortement chargée en matières organiques et en micro-organismes invisibles à l’œil nu.

C’est là qu’intervient le traitement biologique. Cette phase repose sur un principe simple: utiliser des micro-organismes, principalement des bactéries, pour dégrader la matière organique dissoute dans l’eau. Dans des bassins spécialement conçus, l’eau est oxygénée pour activer ces bactéries, qui se nourrissent des polluants organiques et les transforment en boues biologiques.

Une fois cette réaction terminée, ces boues sont séparées de l’eau par décantation. Cette méthode permet de purifier l’eau de manière naturelle, en imitant le processus d’autoépuration que l’on retrouve dans les écosystèmes aquatiques, mais de façon accélérée et contrôlée.

Enfin, pour assurer une qualité d’eau maximale, une troisième phase de traitement, dite tertiaire, est souvent mise en place. Elle a pour but d’éliminer les derniers résidus polluants, notamment les micro-organismes potentiellement pathogènes. Cette étape peut comprendre plusieurs techniques, dont la filtration sur sable ou l’usage de produits chimiques pour éliminer des nutriments comme l’azote ou le phosphore.

La désinfection, étape clé de cette phase, est fréquemment réalisée à l’aide de rayons ultraviolets ou par l’ajout de chlore, afin de neutraliser les bactéries et virus restants. À l’issue de ce processus, l’eau, bien que non potable, est suffisamment propre pour être utilisée en toute sécurité dans des usages tels que l’irrigation, l’arrosage des espaces verts ou encore le nettoyage des voiries.

Pour Amine Benjelloun, c’est l’enjeu hydrique qui rend cette stratégie indispensable. «Réutiliser l’eau, c’est moins puiser dans les nappes phréatiques, c’est protéger les barrages, et c’est surtout éviter d’utiliser de l’eau potable pour des besoins secondaires», insiste-t-il.

Par Hajar Kharroubi
Le 18/07/2025 à 09h36