La 33e édition du congrès national de la société marocaine d’anesthésie, d’analgésie et de réanimation (SMAAR) qui s’est tenue en décembre 2021, a émis des recommandations pour tous les professionnels de la santé, indique le Dr Jamal Eddine Kohen, président de la SMAAR.
Les complications respiratoires postopératoires constituent un vrai problème de santé publique eu égard à la morbidité et la mortalité qu’elles engendrent et au coût de leur prise en charge, statistiques à l’appui, relève le Dr Younes Aissaoui, professeur d’anesthésie-réanimation à la faculté de médecine de Marrakech.
«Les complications pulmonaires postopératoires sont l’une des complications les plus fréquentes. Leur incidence, à savoir le nombre de nouveaux cas de cette pathologie observés pendant une période donnée, peut atteindre les 40%. Elles ont un impact majeur sur le pronostic postopératoire. Et cela dépend de plusieurs facteurs notamment ceux liés au patient, à l’acte chirurgical et à la prise en charge anesthésique.» C’est ce que révèle un travail scientifique présenté lors de cette 33e édition de la SMAAR, par le Pr Younes Aissaoui, chef du service de la réanimation chirurgicale à l’hôpital militaire Avicenne et secrétaire général de l’Association des médecins anesthésistes-réanimateurs de Marrakech.
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Le Pr Aissaoui définit ces complications comme étant l’ensemble des manifestations respiratoires ayant des mécanismes physiopathologiques communs, dont le chef de file est le collapsus pulmonaire, qui se caractérise par un affaissement et une perte de volume des poumons liés à une compression ou une obstruction. Deuxième importante manifestation, la contamination infectieuse des voies aériennes, qui surviennent au cours ou à la suite d’une opération chirurgicale.
Lors de sa conférence scientifique, le Pr Aissaoui a présenté le protocole de prévention de ces complications, qui a été élaboré par le comité scientifique de la SMAAR.
Il s’agit, précise le Dr Kohen, président de la SMAAR, d'un ensemble de recommandations destinées aux anesthésistes-réanimateurs marocains dont le but est de minimiser le risque des complications respiratoires après une intervention chirurgicale.
Question qui est revenue à plusieurs reprises par les congressistes lors de ce 33e congrès national de la SMAAR: est-ce que le ministère de la Santé et de la solidarité va s’approprier ces recommandations pour les généraliser auprès de tous les blocs opératoires des hôpitaux publics et les cliniques du pays? .
Les recommandations de la SMAAR préconisent des actions dans la phase préopératoire, avant de procéder à l’acte chirurgical.
Cela consiste à repérer les patients à risque selon le score adopté mondialement l’ARISCAT ( Assess Respiratory Risk In Surgical Patients In Catalonia).
Ce score est basé sur plusieurs critères, notamment l’âge, une anémie préexistante avant l’opération, le site de l’incision chirurgicale et la durée de l’acte opératoire.
Ainsi, lorsque le score est inférieur à 26 points, le risque de complications respiratoires est considéré comme minime, entre 26 et 44 points, le risque est intermédiaire.
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Mais si le score est égal ou supérieur à 45, le risque de développer une complication respiratoire après une opération chirurgicale est considéré comme élevé.
Cette échelle des risque figure dans un article scientifique publié dans le numéro de janvier 2022 du magazine marocain d’information médicale DOCTINews.
Les recommandations de la SMAAR concernent également la phase per-opératoire, c'est-à-dire au moment de l’acte chirurgical.
Les précautions à prendre sont liées au type de l’anesthésie, du choix des médicaments anesthésiants, du suivi de la curarisation et de la ventilation protectrice mise en place, le curare étant un produit exclusivement réservé au monde de l’anesthésie-réanimation. Il a pour action d’inhiber la contraction musculaire, ce qui facilite l’incision chirurgicale.
Pour la phase post-opératoire proprement dite, le protocole élaboré et validé par les spécialistes de la SMAAR, préconise d’instaurer un programme de récupération accéléré après la chirurgie.
Il recommande en premier lieu, d’extuber le patient le plus précocement possible (enlever la respiration artificielle).
Extuber, c’est l’action réalisée par le médecin et qui consiste à retirer le tube placé dans la trachée, quand un patient, qui vient de bénéficier d’une opération chirurgicale, peut respirer toute seul.
Toujours en postopératoire immédiat, le protocole scientifique de la SMAAR préconise dé procéder à des soins respiratoires appropriés si le score ARISCAT est intermédiaire ou élevé.
Pour sa part, la Dr Afak Nsiri, professeur en anesthésie-réanimation à la faculté de médecine et de pharmacie de Casablanca, présidente de l’association des médecins anesthésistes-réanimateurs de la région de Casablanca, et responsable du comité des référentiels au sein de la SMAAR, insiste sur l’importance de ce protocole pour prévenir les complications respiratoires postopératoires.
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Elle explique que «nous avons élaboré ce protocole pour aider les anesthésistes-réanimateurs marocains dans leur pratique quotidienne et afin de leur permettre de détecter les patients qui présentent un risque de développer des complications respiratoires après une intervention chirurgicale pour mettre en place les mesures adéquates pour les prévenir».
La Pr Nsiri a précisé que ce protocole sera, dans un premier temps, implémenté dans les différents blocs opératoires du Royaume pour qu’il soit appliqué par tous les praticiens marocains. Ensuite, une évaluation de son impact et de son intérêt en pratique sera établie.
Le président de la société marocaine d’anesthésie, d’analgésie et de réanimation (SMAAR), le Dr Jamal Eddine Kohen, tient à préciser que pour l’élaboration de toutes ces recommandations, un travail a été effectué avec des experts nationaux pour avoir des référentiels adaptés au contexte marocain.
*Le Dr Anwar Cherkaoui est médecin. Lauréat du cycle supérieur de l'Iscae, il a été, trente années durant, le responsable de la communication médicale du CHU Ibn Sina de Rabat.










