Pourquoi la réouverture du zoo d’Aïn Sebaâ traîne et en quoi la compétence nationale est la solution

Le zoo de Aïn Sebaâ lors des travaux de réaménagement.

Alors que sa réouverture est prévue depuis 2017, l’emblématique zoo d’Aïn Sebaâ est toujours inexploité. La mairie de Casablanca s’est saisie du dossier mais invoque des dysfonctionnements liés à la sécurité et à l’acquisition d’animaux pour expliquer le maintien de sa fermeture. Pour Mehdi Benmassaoud, président de l’Association marocaine des zoos et des aquariums (AMZA), le problème comme la solution sont ailleurs.

Le 15/05/2023 à 16h02

Il est censé marquer le renouveau de la gestion de la ville de Casablanca et la (re)création d’espaces publics dignes de la capitale économique, à même de contribuer tant à la conservation de la biodiversité qu’à l’éducation environnementale et au bien-être animal. Nommons le zoo d’Aïn Sebaâ, véritable patrimoine casablancais vieux de quelque 80 ans qui a connu une longue phase de décrépitude avant sa fermeture en 2014.

Cet espace, qui fait partie de la mémoire collective des Bidaouis, devait renaître de ses cendres en 2017, après rénovation. Mais à ce jour, il n’en est toujours rien. Aujourd’hui, le dossier est entre les mains de la mairie de Casablanca. Si cette dernière semble déterminée à redonner vie à ce parc zoologique, aucune date de réouverture n’a pour l’heure été fixée.

En cause, selon le Conseil de la ville, deux freins majeurs. Le premier veut que même après la mise à niveau, le zoo d’Aïn Sebaâ souffrait toujours de dysfonctionnements liés à la sécurité. «Suite à une visite d’inspection que nous avons menée, nous avons constaté quelques dysfonctionnements quant aux normes de sécurité. Des travaux supplémentaires ont été lancés. Ils ont été achevés», nous avait déclaré la présidente du Conseil de la ville, Nabila Rmili.

Second obstacle: la réouverture du zoo est tributaire de l’acquisition d’animaux d’associations internationales, affirmait, pour sa part, le vice-maire Moulay Ahmed Afilal. «Nous sommes sur une liste d’attente pour les recevoir», avait-il indiqué. C’est actuellement là où le bât blesse.

La collection animalière «déjà présente» au Maroc

Si les considérations techniques liées à la sécurité sont a priori réglées, la question de l’acquisition des animaux est mal posée. C’est ce que confirme pour Le360 Mehdi Benmassaoud, président de l’Association marocaine des zoos et des aquariums (AMZA), organisation à but non lucratif agissant dans le développement du monde zoologique au Maroc.

Le responsable associatif souligne: «Nous sommes en contact régulier avec des associations internationales dans le domaine zoologique. Jusqu’à présent, nous ne sommes pas informés d’un quelconque contact établi entre la mairie de Casablanca et ces associations pour l’approvisionnement en animaux du zoo d’Ain Sebaâ.» Mieux, il affirme qu’il n’y a nul besoin de recourir à l’international: «Les animaux prévus dans la collection animalière d’Aïn Sbaâ sont déjà présents au Maroc.»

L’existence d’un potentiel national en matière de ressources animalières est d’autant plus salvatrice que le monde zoologique est restreint. La disponibilité des animaux pour une collection animalière est souvent limitée et se confronte à plusieurs considérations. Pour certaines espèces, par exemple les girafes ou les éléphants, vu leur rareté, les modalités d’acquisition sont complexes.

Aux listes d’attente considérables s’ajoutent des protocoles sanitaires stricts qui doivent être respectés. L’Agence nationale des eaux et forêts (ANEF) et l’Office national de sécurité sanitaire des produits alimentaires (ONSSA) ont leur mot à dire sur ce registre. Conclusion: le processus pour trouver les animaux de la collection animalière, son acquisition et son importation peut prendre des années.

De l’importance de solliciter les compétences marocaines

«J’insiste: les animaux nécessaires à la collection animalière du zoo d’Ain Sbaâ se trouvent déjà au Maroc. Pour assurer une ouverture rapide du zoo, il est essentiel de lancer l’appel d’offres pour l’acquisition des animaux et la gestion du zoo. Les acteurs privés marocains et l’AMZA sont prêts à faciliter ce processus en apportant leur appui», explique Mehdi Benmassaoud.

Dans sa tentative de trouver une issue, la mairie évolue en effet en vase clos. «Il est regrettable de constater que l’AMZA n’a jamais été contactée ni consultée. Or, le Maroc dispose de compétences locales remarquables dans le domaine zoologique. Parmi nos membres, nous comptons des acteurs privés marocains compétents et qualifiés et ayant l’expérience nécessaire dans le domaine», explique le président de l’ONG qui collabore étroitement avec des institutions et des autorités compétentes internationales et compte parmi ses membres des connaisseurs du monde zoologique: des gestionnaires, des techniciens spécialisés et des vétérinaires experts dans le domaine de la faune sauvage et exotique.

L’AMZA attend notamment le feu vert de la mairie de Casablanca et de la Commune d’Ain Sbaâ pour participer à l’appel d’offres pour la gestion du zoo dès son lancement. Mais à ce jour, le cahier des charges de la procédure de sélection (CPS) n’a pas encore été lancé. «Nous sommes d’ailleurs perplexes quant au retard enregistré dans le lancement du cahier des charges de la procédure de sélection», remarque Mehdi Benmassaoud, qui dit espérer que les autorités locales prennent en considération l’expertise locale des acteurs privés marocains et la volonté de collaboration de l’AMZA.

«Nous souhaitons que cet espace soit un lieu d’excellence qui enrichira le paysage zoologique du Maroc. La collaboration entre les autorités, les acteurs locaux et l’AMZA permettra de concrétiser ce projet et de créer un zoo de renommée. Nous restons déterminés à faire avancer les choses pour que la ville de Casablanca ait un zoo dont elle pourra être fière», plaide notre interlocuteur.

En attendant, c’est toute l’infrastructure du zoo qui est aujourd’hui menacée faute d’exploitation et de gestion. Si les installations et le matériel ont été livrés, ils se détériorent à vue d’œil en raison du non-fonctionnement et de l’absence d’entretien. A l’arrivée, l’on n’est pas à l’abri de coûts supplémentaires liés à d’éventuels réparations ou remplacements d’équipements et, surtout, de retards supplémentaires dans l’ouverture d’un espace que les Casablancais attendent depuis plusieurs années.

Par Youssef Bellarbi
Le 15/05/2023 à 16h02