Nos mères, nos femmes

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Derrière ces images magnifiques de communion entre les joueurs marocains et leurs mamans, on peut aussi se poser la question, dans la foulée: et les épouses (et les compagnes), alors, où sont-elles?

Le 03/12/2022 à 09h00

L’image d’Achraf Hakimi embrassant le front de sa mère a fait le tour du monde, devenant l’une des figures emblématiques du Mondial du Qatar. Cette image parle à quelque chose de profond en nous, elle évoque la tendresse bien sûr, l’amour, la reconnaissance, une certaine revanche sur le temps, et tellement de choses encore.

La mère de mon ami, une octogénaire qui ne connait rien au foot, a dit à son fils: «Tu as vu, tu as vu ce garçon embrassant les pieds de sa maman?» La maman a parlé avec le cœur, qui voit des choses que les yeux ne voient pas. C’est pour cela qu’elle a remplacé le front par les pieds.

Pour tout vous dire, la Fédération marocaine a eu une inspiration géniale quand elle a invité les mamans des joueurs au Qatar. C’est devenu un peu le Mondial des mamans. Tant mieux si cela peut fédérer autour de cette sélection marocaine, et envoyer des ondes positives à tout le monde. Parce que rien n’est plus universel que l’amour maternel.

Cette initiative n’est pourtant pas la première en son genre. Pas tout à fait. La plupart des sélections invitent les familles des joueurs, au moins pour quelques jours. Il ne s’agit pas de distraire les joueurs, mais de les motiver, de leur rappeler le lien avec la famille et surtout avec le pays, la nation, c'est-à-dire la grande famille.

Les Marocains ont choisi les mamans parce que les Lions de l’Atlas sont la sélection qui compte le plus de joueurs «hors-sol», nés loin du Maroc. Plusieurs garçons ont vu le jour en France, en Espagne, en Belgique, et en Hollande. Pour eux, comme pour beaucoup de binationaux, la famille est le cordon ombilical qui les relie au pays. Ils rentrent généralement l’été pour humer l’air du bled et surtout retrouver la famille, d’abord le papa et plus encore la maman.

Tout cela est bien vu. Mais…

Derrière ces images magnifiques de communion entre les joueurs et leurs mamans, on peut aussi se poser la question, dans la foulée: et les épouses, alors, où sont-elles?

Comment ne pas (se) poser cette question? Comment contourner cette montagne?

C’est beau et magnifique de rendre hommage aux mères. Et il ne viendrait à personne l’idée de contester cette symbolique universelle. Mais, derrière ces grands joueurs, derrière ces hommes, il y a des épouses, des compagnes. Il y a tout l’amour, le soutien et les sacrifices de tous les jours.

Dans le monde arabo-musulman, il y a une certaine tradition qui montre les mères mais cache les épouses. Cette forme de pudeur comporte sa part d’injustice. Et il s’agira, un jour ou l’autre, de réparer cette injustice: en montrant les femmes, les épouses, les compagnes de tous les jours.

Allez messieurs, allez les champions, laissez-vous aimer par celles qui partagent vos vies. Ne soyez pas si timides. Vos victoires sont aussi les leurs.

Par Karim Boukhari
Le 03/12/2022 à 09h00