Certains milieux marocains se sont passionnés pour les dernières élections en France. Leur intérêt est quasi nul quand il s’agit de l’Espagne, notre voisin le plus proche. Mais la France est là. La chronique de notre ami Fouad Laroui sur les Français résidents chez nous qui votent Rassemblement national a fait le tour du monde. Cette contradiction flagrante entre le confort que des retraités trouvent au Maroc et leur soutien à un parti dont le racisme anti-arabe et anti-musulman est le fond idéologique essentiel a choqué beaucoup de monde.
Mais le Maroc ne marchande pas son sens de l’hospitalité. À ces résidents de faire leur examen de conscience et d’être cohérents avec leurs idées.
À présent que la France est entrée dans un trouble post-électoral où aucun parti n’est majoritaire, que fera le président Macron? On se demande ce que les relations franco-marocaines, qui commençaient à se réchauffer, vont devenir. Une visite d’État était prévue cet automne. Aura-t-elle lieu? Il était même convenu que Macron fasse une déclaration importante concernant le Sahara marocain.
J’ai eu l’occasion récemment d’en parler longuement avec son épouse Brigitte. Elle a suivi mon exposé avec attention et intérêt. Quand je lui ai dit qu’il «reste le lobby algérien autour du président», elle m’a répondu en souriant «Emmanuel ne l’écoute pas!».
À la bonne heure!
Macron est président de la France jusqu’en mai 2027. D’ici là, beaucoup de choses seront clarifiées. Pour le moment, on attend un nouveau Premier ministre, et en particulier un ministre des Affaires étrangères. Il serait bien avisé de nommer François Hollande à ce poste. Il a l’avantage d’avoir de l’expérience et fera là un bon boulot. Mais, comme il n’écoute personne, comme vient de le confirmer son ancien Premier ministre Édouard Philippe, Macron n’en fera qu’à sa tête.
Dans ces moments de désordre et d’attente, un projet de Macron vient d’être retoqué. Ainsi, l’édition du jeudi 11 juillet du quotidien Le Figaro nous apprend que «la Commission nationale du patrimoine et de l’architecture a voté à l’unanimité contre le projet du président de la République de remplacer certains vitraux du 19ème siècle de la Cathédrale Notre-Dame de Paris par des baies contemporaines».
C’est un coup dur pour la commission installée par Macron, qui devait faire une sélection de cinq binômes d’artistes et de maîtres verriers fin juin, projet pour lequel 105 artistes ont candidaté. Macron voulait introduire l’art contemporain dans la Cathédrale. En outre, une pétition contre ce projet a recueilli 160.000 signatures. Résultat, l’archevêché semble lui aussi prendre ses distances par rapport à ce projet.
En fait, le rejet de la personne de Macron est tellement fort dans l’opinion que l’attitude de la Commission du patrimoine et de l’architecture pourrait s’expliquer par le refus systématique de tout ce qu’il présente.
Comment tiendra-t-il jusqu’en 2027? Des éditorialistes ne cessent de se poser la question. Le Rassemblement national (RN), de son côté (certes, il n’a pas la majorité, mais il a presque doublé le nombre de ses députés à l’Assemblée), fera tout pour hâter son arrivée au pouvoir. Jordan Bardella s’y voyait déjà au lendemain du premier tour des élections législatives.
Ce parti, qu’on le veuille ou non, représente plus de dix millions de Français. Il est devenu le premier parti de France. Macron le sait. Il doit changer non seulement de politique, mais aussi de tempérament en versant dans ses veines un peu d’humilité et de modestie.
On ne gouverne pas seul. On écoute et on accepte le dialogue. On change sa façon d’être. Mais Spinoza (1632-1677) nous avait prévenus il y a des siècles que «tout être tend à persévérer dans son être». Autrement dit, personne ne change. Ce principe étant établi, il est possible, nous dit le philosophe, de faire preuve d’intelligence, c’est-à-dire de savoir s’adapter et évoluer. Ce que Macron ne semble pas, pour le moment, accepter.
Par ailleurs, Spinoza nous dit que «la loi fondamentale de la vie, c’est (…) la puissance d’agir, seule vertu à même de procurer du bonheur». En ces jours troubles, Macron n’agit pas. Il réfléchit.
Jean Cocteau écrivait que «les miroirs feraient bien de réfléchir un peu avant de renvoyer les images» («Le Sang d’un poète»). Ce jeu de mots va bien au président Macron, dont le narcissisme est connu. Un peu d’amour de soi est nécessaire pour aimer les autres. Mais quand il est immense, il ne laisse plus de place aux autres. Dommage.