Mercredi dernier j’ai eu la chance de présenter «Le Dictionnaire amoureux du Maroc» dans les salons de notre ambassade à Paris. Un public attentif et chaleureux. Une dame, qui n’avait pas encore lu ce livre, me demande «Pourquoi vous ne parlez pas de la liberté de conscience»? Voici ce que j’ai répondu:
- Le dictionnaire aborde cette question, page 417. C’est notre Constitution qui ne donne pas aux citoyens marocains l’exercice fondamental de cette liberté.
Comme l’a écrit André Breton «la liberté n’est pas, comme la libération, la lutte contre la maladie, elle est la santé». Jean-Paul Sartre rappelle qu’il n’y a pas de «déterminisme, l’homme est libre, l’homme est liberté». Karl Marx explique quant à lui que «la liberté est le droit de faire et d’entreprendre tout ce qui ne nuit à aucun autre». Jean Jaurès écrit de son côté: «Le premier des droits de l’homme c’est la liberté individuelle, la liberté de la propriété, la liberté de pensée, la liberté du travail».
On pourrait citer d’autres philosophes, d’autres poètes. Mais la «liberté de pensée» est celle de notre conscience. C’est la base d’une société où l’individu compte, où la démocratie a été instaurée.
Or, au Maroc, l’individu n’est pas reconnu. Cette entité, unique et singulière, n’est pas reconnue par la constitution. De ce fait, toute démocratie, réelle et pas formelle, est impossible.
Certes, on pense qu’on est démocrate quand on vote. Oui, mais la démocratie n’est pas une technique, c’est plus que cela, c’est une valeur qui consacre la liberté de chaque individu, qui doit agir en son âme et conscience. Le vote est certes une expression de cette liberté, mais il n’est pas le seul. Pour instaurer la démocratie, il faut une pédagogie dès l’école primaire. Il faut donner à l’enfant le désir et l’amour de cette valeur. Cela, notre système éducatif ne le fait pas.
L’exemple qu’on donne souvent quand on débat de ce sujet est celui de la croyance. Croire ou ne pas croire. Avoir la foi ou ne pas l’avoir. Là, c’est une liberté fondamentale. D’autant plus que si l’on est croyant, on n’a de compte à rendre qu’à Dieu, pas aux hommes. Personne ne peut s’ériger en juge et me dire: «Il faut que tu croies». Il en est de même, si nous étions sous un régime communiste, où un juge dira: «Tu n’as pas le droit de croire», puisque le matérialisme de Marx exclut la religion et le recours à la divinité.
«La liberté de conscience» est une valeur qui nous rend responsables de tous nos actes et de nos pensées. Le fameux article 490, qui interdit les relations sexuelles hors mariage, fait partie des offenses faites à la liberté. Quand on est adulte et consentant, rien ne devrait s’opposer à ce que deux personnes fassent ce qu’elles ont envie de faire.
Par ces temps troubles, de confusion et de violence, il s’avère important de respecter cette liberté. Son absence produit de l’ignorance, du fanatisme, et cultive l’esprit complotiste. Son absence donne libre champ au suivisme aveugle, à croire n’importe quoi et à agir selon des principes sortis tout droit du charlatanisme et de l’ignorance.
Notre esprit critique fait défaut. On sait à présent qu’on peut faire dire n’importe quoi à des images, et même utiliser les voix d’hommes politiques pour leur faire dire des choses abominables. La technologie s’attaque de plus en plus à la liberté, c’est-à-dire à la vérité. L’Intelligence artificielle se développe et menace nos libertés.
Le pire, vu l’importance des réseaux sociaux, bon nombre de citoyens tombent dans le panneau et croient ce qu’on cherche à leur faire croire. Plus que jamais, avec la dictature des nouvelles techniques, notre conscience doit être vigilante et critique.
Pour toutes ces raisons, espérons qu’un jour, notre Constitution sera révisée et inscrira dans son corpus le droit à la liberté de conscience. Les Tunisiens l’ont fait (ils sont les seuls dans le monde arabo-musulman), pourquoi pas nous?