Comme partout ailleurs, les escrocs se ressemblent et ont l’air d’hommes bien nés, bien habillés, parlant avec brio et ne laissant rien apparaître de leurs intentions malfaisantes.
Un escroc, c’est d’abord un comédien, sans doute un acteur raté, mais qui sait comment jouer un rôle afin de parvenir à ses fins qui ne doivent en aucun cas transparaître. Tout est dans l’apparence et les mots bien choisis.
L’escroquerie a un champ de prédilection: l’immobilier. Surtout l’immobilier sur plan, celui qui n’existe pas et qui est soi-disant en projet, celui qui fait rêver le Marocain résidant à l’étranger (MRE) désirant posséder sa maison dans son pays natal, face à la mer de préférence ou dans un quartier calme. C’est le couronnement d’une vie de dur travail et de sacrifices.
La société a pignon sur rue. Le bonhomme est impeccable, le sourire est de rigueur. Il recrute ses victimes à la mosquée, de préférence le vendredi lors de la prière de midi. Ça fait sérieux et moral. Les plans sont bien dessinés, ils sont sur la table ou, mieux, projetés sur un écran. On les regarde et on s’imagine déjà dans le confort et le grand standing. On négocie un peu le prix. Une avance est exigée pour commencer la construction, ce qui est normal. On signe un contrat et on vire de l’argent sur un compte spécialement ouvert pour cela. On est heureux, rendez-vous l’été prochain!
Le reste nourrit le rêve du futur propriétaire qui partage sa joie avec sa femme, ses enfants. Il a travaillé dur pour avoir enfin une jolie maison, ou même un appartement dans un quartier résidentiel, ce qui lui permet de penser qu’il a gravi les échelons de la classe sociale.
Il se voit y passer une retraite bien méritée. On vit aussi de rêve.
Il ne pense pas que cet homme si sympathique va lui faire un tour de passe-passe, ruiner ses rêves et voler ses économies. Non, la société existe, et il connaît d’autres gens qui ont acheté sur plan et qui attendent comme lui, notamment son cousin qui l’a encouragé à investir et à ne pas laisser l’argent dormir à la banque ni bloqué. On lui donne à peine 2% d’intérêts, alors que l’inflation atteint plus du double. Une bonne raison pour s’engager dans ce projet.
Un an plus tard. Vous devinez la suite. La société n’a plus pignon sur rue. Le téléphone de l’homme souriant n’existe plus - «Ce numéro n’est plus attribué». Le cousin est décidé à faire un scandale, car il se sent responsable de l’avoir entraîné dans cette mauvaise affaire. Avec un peu de chance, ils retrouvent le promoteur. Il ne sourit plus, invoque des impôts qui l’ont dépouillé, le Covid et sa femme atteinte d’un cancer en phase terminale, sa mère partie à la Mecque et tombée malade à son retour. Il ne nie pas, il demande seulement un peu de patience. À certains, il rembourse une partie de leur avance, à d’autres, il demande indulgence et compréhension.
Ce n’est plus un promoteur immobilier, c’est un escroc qui s’excuse et vous fait croire que l’été prochain, vous aurez votre bien. Mais pour cela, il a besoin de nouvelles avances, sinon, comment poursuivre la construction? Il parvient à vous convaincre, et la roue tourne à l’infini jusqu’au jour où le cousin arrive à le coincer dans une rue et le menace avec une arme blanche. Là, les choses se gâtent, la police s’en mêle et la justice prend l’affaire au sérieux. Les plaintes sont nombreuses, l’escroc est arrêté, mais l’argent est perdu.
Le MRE se moque que le type soit en prison. Il cherche seulement à récupérer son argent. Mais la justice a beau le condamner, il n’y a pas d’argent chez l’escroc. Il l’aurait dépensé, simplement placé quelque part sous un nom d’emprunt ou caché dans un coffre chez une connaissance. Il y a mille façons de dissimuler l’argent. Le virement du début est allé vers un compte qui n’existe plus. Le compte a été soldé et son propriétaire a disparu…
Dernièrement, un promoteur immobilier, connu pour développer des projets haut standing, a été arrêté dans un café à Casablanca. Il serait impliqué dans plusieurs affaires d’escroquerie. Plusieurs plaintes avaient été déposées contre lui. Il est à présent entre les mains de la justice. Espérons que d’autres margoulins de son espèce seront arrêtés et jugés. L’État de droit est la base de toute démocratie. Sinon, c’est le chaos, et la fin du vivre ensemble.
La justice doit donner l’exemple: non seulement le jugement devrait être sévère, mais au-delà, une lutte en amont contre ces apprentis sorciers, ces voleurs, ces dépouilleurs de gens pauvres, devrait être menée en collaboration avec la police.