Les féministes marocaines appellent le nouveau gouvernement à une révision globale du Code de la famille

Les féministes marocaines appelent à la révision du Code de la famille.

Les féministes marocaines appelent à la révision du Code de la famille. . DR

Au lendemain de la commémoration du 17e anniversaire de la réforme du Code de la famille au Maroc, l’Association démocratique des femmes du Maroc, l’ADFM, tire la sonnette d’alarme quant aux injustices et aux lacunes juridiques qui perdurent.

Le 14/10/2021 à 12h04

Il est plus que grand temps d’harmoniser les lois et les politiques publiques avec la Constitution et les obligations internationales du Maroc relatives aux droits des femmes. Et pour les membres de l’ADFM, la priorité revient à la refonte globale du code de la famille de manière à combler les lacunes, remédier aux défaillances et contradictions de certaines dispositions.

En effet, estime l’ADFM dans un communiqué de presse, «l'interprétation et l'application du Code de la famille sont loin de refléter l'esprit et les objectifs des dispositions constitutionnelles relatives à l'égalité et la non-discrimination. Les vides et lacunes juridiques de ce Code, le pouvoir discrétionnaire accordé aux juges, engendrent des injustices et des discriminations envers les femmes et les filles».

Le mariage au cœur du problèmeDes problèmes sociétaux engendrés par ces lacunes, l’ADFM en épingle plusieurs, et non des moindres, à commencer par le mariage des mineurs qui s'est aggravé au cours des dix-sept années passées. Les chiffres en pleine croissance en témoignent et les statistiques publiées par le ministère de la Justice sont éloquentes. «Elles indiquent qu’en 2015, 35.150 contrats de mariage de mineures ont été conclus, soit presque le double des contrats (18.341) conclus en 2004 ». En continuant de cautionner les mariages des mineurs, ce sont des milliers d’adolescentes qui sont encore aujourd’hui privées de leurs droits à l’éducation, à l’indépendance et à la sécurité.

Autre problématique de taille toujours liée au mariage, la polygamie, laquelle a été «encouragée jusqu’en 2019, par l’article 16 du Code de la Famille, relatif à la régularisation des mariages coutumiers» estime l’ADFM, qui explique que cela «a largement contribué à l’augmentation des mariages des mineures et à la polygamie».

En effet, le processus de régularisation du mariage par la Fatiha devait initialement durer 5 ans mais a été in fine prolongé de 10 années supplémentaires, permettant ainsi «à des milliers d’hommes d’éviter de recourir au tribunal pour être polygame ou pour contracter le mariage avec une mineure», poursuit l’association dans une logique implacable. Les conséquences d’une telle mesure sont visibles sur le terrain avec, témoigne l’ADFM, de nombreuses femmes et filles qui ont sombré dans la pauvreté et la vulnérabilité.

La précarité des femmes a également été confortée par la non-obligation de joindre au contrat de mariage l’annexe définissant les modalités du partage des biens acquis pendant le mariage. De nombreuses femmes ont ainsi plongé «dans la pauvreté extrême malgré leur contribution dans la constitution du patrimoine familial et le temps accordé à l’entretien et à l’éducation des enfants», poursuit-on dans le communiqué.

La femme au sein de la famille, toujours victime d’inégalitésAu rang des injustices perpétuées par la législation actuelle, l’ADFM met aussi en exergue la tutelle légale sur les enfants, qualifiée de «discrimination notoire envers les femmes». Alors que le texte actuel prône l’égalité en droits et en responsabilités entre les hommes et les femmes, «la tutelle légale est attribuée uniquement au père». En conséquence, «la mère perd la garde de ses enfants en cas de remariage et une femme divorcée qui a la garde de ses enfants a besoin de l’autorisation du père, souvent absent, pour entamer les nombreuses procédures administratives relatives à l’éducation, la santé et la scolarisation de l’enfant», explique-t-on. Autant de dispositions inégalitaires envers les femmes mais qui vont également à l’encontre de l’intérêt suprême de l’enfant.

Sans compter que l’impact socio-économique de la législation successorale actuelle, qui est inégalitaire, juge l’ADFM, et contribue à augmenter la pauvreté et la vulnérabilité des femmes, principalement celles issues des milieux défavorisés.

L’ADFM considère ainsi que l’effectivité de l'égalité des sexes dans la loi et devant la loi et dans tous les espaces privés et publics est une condition indispensable à la réalisation du développement durable au Maroc. «Compte tenu des défaillances des dispositions et de l’application du code de la famille et leur impact négatif sur la situation de la femme, sur la société et sur l’économie du pays, une révision globale du code de la famille représente un enjeu de taille et un défi à relever au regard des avancées constitutionnelles et des engagements du Maroc auprès de la communauté internationale en matière d’effectivité des droits des femmes», conclut l’association féministe.

Par Zineb Ibnouzahir
Le 14/10/2021 à 12h04