La langue arabe, le vilain petit canard du système scolaire français au Maroc

Zineb Ibnouzahir.

Zineb Ibnouzahir. Le360

ChroniqueComment expliquer ce décalage entre mauvaise maîtrise de la langue arabe et excellence des notes si ce n’est la volonté de conforter les élèves dans leur médiocrité? Surtout, comment se fait-il que l’enseignement des autres langues étrangères, à l’instar de l’anglais ou de l’espagnol, soit beaucoup plus efficace?

Le 15/09/2024 à 13h03

Chaque année, c’est le même désolant constat pour les parents marocains dont les enfants sont inscrits dans le réseau des établissements scolaires français du Maroc: l’enseignement de la langue arabe à leurs enfants est un désastre.

Des petites classes jusqu’aux dernières années du lycée, la langue arabe peine à s’imposer. Le quota des heures qui sont dédiées à son enseignement a bien augmenté, passant à cinq heures par semaine pour les élèves marocains, pourtant sa transmission ne passe pas ou très mal.

À moins que l’enfant ait fait ses premières classes dans l’enseignement public ou bilingue pour y acquérir de solides bases, un enfant ayant fait toute sa scolarité sur les bancs de l’école française arrive en terminale avec un niveau de langue catastrophique, mais avec une bonne, voire très bonne moyenne.

Comment expliquer ce décalage entre mauvaise maitrise de la langue arabe et excellence des notes si ce n’est la volonté de conforter les élèves dans leur médiocrité? Surtout, comment se fait-il que l’enseignement des autres langues étrangères, à l’instar de l’anglais ou de l’espagnol, soit beaucoup plus efficace? Un petit tour du côté des supports pédagogiques apporte une partie d’explication à la question. Des beaux livres, des supports numériques et interactifs pour l’anglais et l’espagnol, et selon les années, pas de manuel scolaire pour l’arabe, et quand manuel il y a, celui-ci fait peine à voir et à captiver l’attention des élèves.

Quant au contenu des cours, sans vouloir remettre en question les compétences de certains professeurs qui exercent leur métier dans les règles et avec un minimum de passion (ils sont rares): quasi inexistant. Ainsi, d’année en année, les heures de cours d’arabe sont assimilées à des heures de récréation. Ca bavarde, ça chahute, ça rigole, ça snapshat, ça tiktok, sous les yeux de professeurs qui font semblant de ne rien voir ou qui assument n’en avoir absolument rien à faire. Parfois des exposés à présenter oralement devant la classe, qui se résument à une recherche à faire sur internet pour parler d’un sujet lambda: la belle affaire à l’heure du tout Chatgpt. S’il y a une chose dans laquelle les gamins s’améliorent toujours un peu plus, c’est dans la précision des consignes à soumettre à l’intelligence artificielle et dans le fait d’apprendre par cœur quelques lignes sans pour autant comprendre ni retenir.

Arrivés en Terminale, les élèves maîtrisent très bien l’anglais et l’espagnol et sont quasi-analphabètes en arabe. La question est pourquoi un tel écart de pédagogie? Pourquoi la langue qui est celle du pays souffre-t-elle d’autant de déconsidération? Comment se fait-il qu’elle ne soit pas enseignée avec la même rigueur que le français pour les élèves marocains ou binationaux ou au moins avec la même rigueur que les autres langues étrangères? Car comment expliquer qu’une LV3 (Langue Vivante en 3ème option) soit mieux acquise qu’une LV1 ou qu’une LV2? Ces interrogations reviennent chaque année sur la table, exprimées par des parents outrés et frustrés, mais rien n’y fait.

À croire que le Maroc ne dispose pas de compétences pour enseigner correctement cette langue, ou que, comme le soutiennent des professeurs d’arabe qui œuvrent dans ce système tout autant que des parents très investis dans ce combat, le mauvais niveau d’enseignement de la langue arabe dans les écoles françaises ne réponde à une volonté d’appauvrir la culture mère de ces enfants en les dépouillant de leur langue maternelle.

Car in fine, c’est vers la France que s’envole ensuite la majorité de ces générations d’élèves formés sur les bancs de ses écoles à l’étranger, pour y briller dans des parcours d’études d’excellence. Après avoir payé des sommes astronomiques dans les établissements français du Maroc, l’histoire continue mais cette fois-ci en France, avec des études supérieures que certains (les moins nantis) financent à coups de crédits ou en vendant des biens immobiliers. Tout ça pour quel résultat? Des enfants aux parcours scolaires brillants certes, mais qui peinent à avoir des attaches (autres que familiales) avec leur pays d’origine et qui décident de ne plus y revenir. Car quand on se rend compte qu’on est Marocain, mais qu’on ne sait pas parler (ou très mal) la langue de son propre pays, il est déjà trop tard.

On se retrouve alors à l’écart des autres, isolé dans un petit cercle qui nous ressemble avec toujours cette étiquette d’étranger parmi les siens collée à la peau. Fort heureusement, le recours à la darija sauve les meubles, dans certains cas, et masque les lacunes qu’on trimbale toute sa vie en ne sachant ni lire ni écrire la langue de son pays bien qu’on y soit né, et qu’on y ait vécu toute sa vie.

Imaginez-vous un Français, vivant en France, ne sachant pas parler le français, parvenant à peine à le déchiffrer, incapable de l’écrire, mais s’exprimant en arabe, en anglais et en espagnol de façon courante? Le grand remplacement dites-vous?

Par Zineb Ibnouzahir
Le 15/09/2024 à 13h03